Voilà un peu plus d'un mois que j'étais rentrée à S'indarë. J'avais reçu un pouvoir à mon entrée à l'école. J'avais déjà beaucoup de capacité dues à mon hybridité. Mais ce pouvoir supplémentaire... Je l'avais utilisé sans m'en rendre compte en hurlant de colère une fois. Toutes les vitres de la salle s'étaient brisées et les personnes présentes n'arrivaient plus à bouger. Je devais à présent contrôler mon pouvoir et ma colère. Et les deux étaient fortement liés, sinon ce n'était pas drôle. J'évacuais beaucoup à travers mes différents entrainements. Mais ça ne me suffisait clairement pas.
Voilà pourquoi j'étais sortie aujourd'hui. Prendre l'air loin de l'école me ferait peut-être du bien, après tout. J'allais rester dans la cité cachée. On était en pleine journée et j'avais un peu la flemme de camoufler mes oreilles et ma queue. J'avais vu mes parents le matin et on avait mangé ensemble. A présent, je déambulais sans réel but dans la ville. Si j'avais bien écouté, cette partie de la ville était protégée par des sorts qui empêchaient les humains de nous voir. Vraiment très pratique, certaines magies.
Mais au détour d'une ruelle, je fus projetée à terre sans comprendre d'où ça provenait. J'entendis des rires sortant de l'ombre. Instinctivement, je montrais les crocs en grognant.
"Oh mais regardez comme elle est mignonne à nous grogner dessus. Petit chiot, tu ne sais pas à qui tu as à faire... - Vous non plus..."
Je me relevais à la vitesse vampirique que je maitrisais plutôt bien. Je fus bientôt encerclée par quatre hommes armés d'un très grand sac et de différentes armes. C'était quoi ça ? Il semblerait que j'avais tourné dans la mauvaise ruelle. Et avec leur disposition, ils avaient réussi à faire en sorte que je ne sois pas juste à côté de l'entrée de la ruelle.
Un premier tenta de m'attaquer mais je l'envoyais valser dans un mur. Les autres me chargèrent directement à trois. S'ensuivit un combat pas très égal. J'avais sorti les griffes et je donnais des coups à tout va. Mais je sentis que j'en prenais aussi. Des coups de poings, des lames qui entraient en contact avec ma peau. Mais qu'est ce qu'il me voulait à la fin ?!
Un long grognement sortit de ma bouche. J'étais certaine que les passants nous entendaient, mais personne n'osait intervenir. Tant mieux, j'allais tous mes les faire. Mes yeux rouges luisaient dans l'obscurité de la ruelle. D'un coup de pied, je réussis à envoyer l'un de mes assaillants au loin. Mais le premier reprenait déjà ses esprits. J'essuyais d'un revers le sang qui coulait de ma bouche et repartis à la charge. J'étais vraiment très énervée, et je ne me contrôlais clairement plus. J'envoyais des coups de griffes en visant principalement le visage et les bras. Vous ne vous êtes pas attaqué à la bonne hybride, les gars...
Ah quelle excellente journée ! Ça fait un mois que j’attends ce moment ! Un de mes principaux objectifs en rejoignant S’Indarë était de pouvoir explorer les rues de Londres et de la cité cachée. Particulièrement les deux quartiers que je ne connais pas bien : Le secteur souterrain et ce qu’on appelle à l’académie, les trésors dissimulés. Je me demande bien pourquoi on appelle ce quartier comme ça d’ailleurs. Au final, il ressemble à n’importe quel quartier de Londres à l’exception qu’il est inaccessible et invisible aux non-humains. Mais ce nom m’intrigue donc j’ai décidé de passer ma journée à l’explorer ! Heureusement, comme je suis une Blue Bird et que je maîtrise bien mes capacités raciales, j’ai le droit de sortir le week-end. J’aurai déprimé autrement.
La question que vous vous posez peut-être est donc : Mais Amy, pourquoi avoir attendu un mois avant de sortir ?
Eh bien, c’est une excellente question. Si j’avais pu, je serais partie visiter dès le premier week-end de septembre. Malheureusement, je n’avais pas pris en compte que le pouvoir que j’acquerrai en traversant la Singularité de Londres serait aussi contraignant. Il m’a bien fallu un mois pour réussir à ne plus entendre les pensées de tout le monde autour de moi. Je dois dire que c’était plutôt assourdissant. Mais, heureusement, j’y suis plutôt bien parvenue ! Bon, je reçois encore des pensées sans le vouloir mais c’est beaucoup moins dérangeant qu’au début. Si bien que je peux me permettre une petite virée en ville !
Hier, samedi, je suis montée au secteur céleste afin d’aller voir mes parents. Je savais bien qu’ils me retiendraient toute la journée donc j’ai prévu large. Et j’ai bien fait. J’ai fini par dormir chez eux tellement nous avons parlé. J’ai donc le champ libre aujourd’hui pour explorer ces fameux trésors dissimulés !
Je marchais dans une rue commerçante, me demandant si je ne devais pas prendre un petit quelque chose pour mes colocataires quand une violente pensée est arrivée dans ma tête. « Les louves garous valent cher. On doit l’avoir. »
On dirait que quelqu’un a des ennuis. Cette pensée m’a fait mal tellement elle était malsaine. Déployant mes ailes, j’ai essayé de repérer quelque chose en prenant de la hauteur. Les immeubles sont haut mais c’est loin d’être un problème pour moi.
Là ! Dans cette petite ruelle. Un, deux, trois, quatre hommes ! Ils attaquent une jeune fille. Je ne peux pas les laisser faire. Je m’approche d’eux par au-dessus et, à mesure que la distance diminue, je fini par reconnaître la fille. Hayley Cobb. Elle est dans ma classe. Ces monstres osent s’en prendre à une élève de l’académie ? Bon, je ne dirai pas qu’Hayley est sans défense. Elle a l’air de se débrouiller plutôt bien. Mais face à quatre non-humains dont l’espèce n’est pas connue, ça peut vite dégénérer. Très bien, ils vont voir de quoi est capable un ange.
En claquant des doigts, je fais apparaître quatre flèches de lumière qui attaquent les quatre hommes. Étant concentrés sur Hayley, ils ne m’ont pas vu au-dessus de leur tête et se prennent mes flèches de plein fouet. Par expérience, personne ne pense que le danger va venir du ciel.
J’atterri à côté d’Hayley, faisant violemment battre mes ailes pour dégager de l’air et faire peur aux assaillants, encore au sol.
– Merde, un ange. On fait quoi chef ? – C’est encore une gamine. On peut se la faire ! Dis, un autre.
Je ne les laisse pas réfléchir très longtemps et fait apparaître d’autres flèches qui flottent autour de moi.
Alors que je me battais sans relâche, j'entendis des battements d'ailes au-dessus de moi. Un bruit imperceptible pour certains mais totalement reconnaissables pour moi. Mes oreilles s'agitèrent mais je ne m'arrêtais pas de me battre pour autant. Je n'allais pas me laisser distraire. Mais si le propriétaire de ces ailes s'approchait trop près de nous, il se prendrait certainement un coup de griffe.
Ils furent soudain tous frappés par une flèche chacun, ce qui les arrêta net, le temps qu'ils comprennent d'où l'attaque venait. J'en profitais pour donner des coups de pied et les forcer à s'éloigner un peu. Je fus étonnée de voir un ange atterrir à côté de moi. Et surtout de la reconnaitre comme étant une étudiante de ma classe. Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Et pourquoi était elle intervenue ? Je la regardais un instant. Amy Williams, si je ne me trompais pas.
Elle fit apparaitre de nouvelles flèches et les quatre mecs, qui s'apprêtaient à nous foncer dessus à nouveau, hésitèrent. Je serrais les dents.
"Je gérais parfaitement la situation... Je n'avais pas besoin de ton aide..."
Le rouge de mes yeux était encore bien vif, reflétant la colère qui émanait de moi. Ils m'avaient attaquée et je voulais leur faire payer. Mais elle allait me gêner... Je grognais méchamment pour menacer les agresseurs. Il était temps de changer de stratégie. Je pris d'un coup ma forme de louve et me jetais sur le plus proche de moi. Sans me préoccuper de la flèche toujours pointée sur l'homme, pattes en avant, je le plaquais à terre, m'écorchant au passage sur la flèche. Le sang s'écoula de mon épaule mais je n'en avais rien à faire. La douleur ne me faisait rien face à l'adrénaline du combat. Ma gueule était très proche de son visage, déformé par la peur. Qu'est-ce que j'aimais cette expression...
– Je gérais parfaitement la situation... Je n'avais pas besoin de ton aide...
Je ne connais pas encore très bien mes camarades de classe mais je me doutais qu’elle réagirait comme ça. Je n’ai jamais vu le cristal d’Hayley mais je parierai qu’il doit être bien rouge. Elle est plutôt du genre colérique. Et là, elle me semble vraiment très en colère.
Soudainement, elle se transforme en louve et saute sur l’un de nos adversaires. Je n’ai même pas le temps de décaler ma flèche qu’elle se blesse dessus. Franchement, je veux bien qu’elle soit en colère mais c’est idiot de se blesser comme ça. Ces types n’en valent pas la peine.
L’homme qu’elle a plaqué au sol tremble d’effroi. On dirait qu’il ne s’attendait pas à tomber sur une louve-garou au top de ses capacités. Ça me fait penser… Peut-être qu’ils veulent capturer de nouveaux élèves qui viennent de passer dans la singularité ? Avant qu’ils ne contrôlent correctement leurs capacités raciales ? Cette idée me donne des frissons. Malheureusement pour eux, ils sont tombés sur Hayley qui, comme moi, est née non-humaine.
– Une dernière parole ?
Je dois dire que voir un loup parler est particulièrement effrayant. Je n’aimerai pas être à la place de ce type. Mais bon, je ne vais pas le plaindre. Il n’avait qu’à mieux choisir ses activités.
J’augmente la pression des flèches sur les trois autres assaillants et ouvre mes ailes au maximum pour leur faire peur. Je pourrais les tuer sans autre forme de procès mais ce n’est pas comme ça que les choses fonctionnent. C’est à la Brigade magique de s’occuper de ce genre de cas et à la magistrature de les juger. Je ne suis qu’une lycéenne. Tout ce que je peux faire, c’est protéger ma camarade.
Heureusement, les trois hommes sous mon joug ne demandent pas leur reste et s’enfuient, laissant leur camarade entre les pattes d’Hayley. J’en profite pour envoyer un sms à mon père et lui expliquer la situation. J’ai hâte de pouvoir contrôler suffisamment bien mon pouvoir pour le contacter directement par télépathie. Vu sa vitesse de vol, il ne devrait pas tarder à les coincer.
– Tu peux le laisser partir. J’ai contacté la Brigade magique. Ils vont venir s’occuper d’eux.
Je n’ai aucun doute quand aux capacités de mon père et de son équipe mais Hayley ne les connait pas. Elle ne peut pas savoir. Par contre ce qu’elle peut savoir c’est qu’un ange ne ment jamais.
– Et, au fait, je sais que tu n’avais pas besoin d’aide. Mais je préfère les remords aux regrets.
Protéger est comme une seconde nature chez moi. Mon père m’a un jour expliqué que c’était généralement le cas chez les anges. Je refuse d’observer sans rien faire. Même si ça veut dire m’apporter la colère d’une camarade de classe.
Est-ce que j'étais en colère ? Oui, parfaitement. Je détestais paraitre faible et clairement, être aidée par cette ange, c'était une faiblesse. Et forcément, ça me mettait grandement en colère. Et on va pas se mentir, je gérais mal ma colère. Mes yeux avaient un éclat encore plus rouge que quand elle n'était pas là. Signe de mon intense sentiment de rage.
Je ne réfléchis pas en me transformant en louve et attaquai le plus proche de moi. Les autres sursautèrent, ils ne s'attendaient certainement à ce que je fasse ça. Me blesser ne me préoccupa pas. Mon organisme s'occuperait bien rapidement de gérer cette blessure que je considérais superficielle. Je sentais que ça saignait mais ce n'était rien, pour moi.
L'homme sous mes griffes tremblait de peur. Je me nourris de cette peur au point que j'en souris. Croyez moi, un loup qui sourit, ça fait peur. Et un loup qui parlait, avec une voix rauque, devait être encore plus effrayant. Je grognais à quelques centimètres de son visage. Son couinement était aussi ridicule que jouissif. Cette peur qui transpirait par tous ses pores.
L'ange écarta encore plus ses ailes mais je n'y prêtais pas attention. Je n'avais pas peur d'elle. Par contre, le groupe de trafiquants semblait comprendre qu'il était en mauvaise posture. Et d'ailleurs, j'entendis du bruit qui signifiait leur fuite. Mais je ne relâchais pas le mien qui semblait bien désespéré d'avoir encore mes griffes sur son torse. Elle me demanda de le relâcher mais je ne bougeais pas. Pas tout de suite. Je soufflais un coup. Elle avait dit Brigade Magique. J'avais la flemme d'avoir des problèmes avec eux si j'osais m'occuper du cas de ma victime ici présente. Je m'écartais et il ne demanda pas son reste.
"Tu n'es pas drôle. Je m'amusais beaucoup."
Les anges étaient en général réputés pour être des protecteurs. Ils ne pouvaient pas s'empêcher d'aider. Voilà bien une chose qui m'échappait. Mais bon, je savais aussi qu'ils avaient la réputation de ne jamais mentir. Donc en théorie, elle était sincère avec moi. Je repris ma forme normale, passant une main sur mon épaule. Du sang macula ma main et je la léchais pour la nettoyer. Mon corps allait guérir cette blessure d'ici quelques minutes. Je levais un sourcil à sa remarque.
"Tu préfères avoir une hybride en colère sur ton dos ? Intéressant."
Je souris en dévoilant mes canines au passage. Je croisais les bras en l'observant. Elle avait de belles ailes blanches, ce serait dommage qu'elles soient maculées de sang. Je n'allais pas la maltraiter. Pas pour le moment. M'aider n'était pas une condition assez forte pour que je m'en prenne à elle. Mais il valait mieux pour elle qu'elle reste de mon côté ou qu'elle reste neutre.
J’étire légèrement mes ailes avant de les replier dans mon dos, rangeant mon téléphone au passage. J’ai de la chance que mes parents m’aient offert ce petit bijou de technologie. Je ne fais pas trop attention aux dernières modes en général mais cet objet est très pratique. Mes parents ne pouvaient pas laisser passer une occasion de communiquer plus facilement avec moi. Je les adore mais, parfois, ils sont un peu collants.
– Tu n'es pas drôle. Je m'amusais beaucoup.
Non, en effet. J’ai peur de ne pas avoir un sens de l’humour très développé. J’ai un peu de mal avec le second degré, il parait. Mais je sais que certains non-humains prennent plaisir à la chasse et au combat. Les loups-garous et les vampires notamment. Ce qui fait d’Hayley une vraie arme vivante. Je me demande si la brigade a déjà essayé de la recruter.
Quand je lui explique rapidement ma manière de penser, elle laisse tomber sa blessure pour se concentrer sur moi.
– Tu préfères avoir une hybride en colère sur ton dos ? Intéressant.
C’est vite dit. Enfin bon, je vais la laisser tranquille.
– Je te proposerai bien de soigner ta blessure mais je ne voudrais pas perdre une main au passage.
En plus, j’imagine que son hybridisme lui permet de soigner ses propres blessures assez rapidement. Les miennes ne tiennent pas plus de quelques minutes en général. Même si, à vrai dire, je suis très rarement blessée, ne m’amusant pas à me retrouver dans ce genre de situation régulièrement.
– Enfin bref, ne le prends pas personnellement. Le destin a voulu que nous soyons camarades de classe mais je t’ai aidé comme j’aurai aidé n’importe qui dans le besoin.
C’est alors qu’une ombre vient s’abattre sur la ruelle. Par réflexe je déploie mes ailes mais comprends vite que c’est inutile. Mon père atterri à côté de moi. Sans un bruit, dans toute la maîtrise de son âge.
« Ne me prends pas dans tes bras papa, tu es en service. »
Mon père me lance un regard qui me montre bien que si je ne lui avais pas parlé par télépathie, il m’aurait déjà sauté dessus. Il prend donc un air professionnel.
– Rien de cassé les filles ? Mon équipe est en train d’arrêter ces malfaiteurs. Vous n’avez plus rien à craindre. – Merci papa mais nous allons bien. Tu peux retourner travailler.
Il se contente de me sourire avant de tourner son regard vers Hayley.
– J’aurai besoin de connaître votre version des faits, jeune fille. Pourriez-vous me rédiger les faits sur un papier vierge ? Ça vaut pour toi aussi Amy, j’ai besoin de ton témoignage.
Je hoche la tête alors que mon père déploie ses ailes pour rejoindre son équipe.
– Vous pourrez les déposer aux bureaux de la bridage magique le week-end prochain. Je sais que vous ne pouvez pas quitter Sindarë quand vous le souhaitez.
Sur ces mots, il nous quitte. Je me retourne alors vers Hayley.
– Bon bah, il va falloir ajouter ça aux devoirs de math.
L'ange à mes côtés replia finalement ses ailes et on récupéra enfin un peu d'espace dans cette petite ruelle. Je la regardais distraitement ranger son téléphone. Très peu d'élèves de S'Indarë possédaient un téléphone. Cette nouvelle technologie coutait cher. Mes parents m'en avaient offert un. Probablement pour me surveiller. Je les aimais beaucoup, il n'y avait pas de problème là-dessus. Mais je connaissais leur inquiétude quant à mon nouveau pouvoir, et quant à mon petit problème avec le contrôle de mes émotions en particulier. La colère surtout. Je crois qu'ils avaient peur que je finisse par blesser quelqu'un, ou par me blesser, sans le vouloir. Il ne fallait pas qu'ils sachent que, parfois, je prenais plaisir à faire mal.
Les anges n'étaient pas réputés pour leur sens de l'humour. J'imaginais qu'elle ne pouvait pas vraiment comprendre mon amusement dans ce genre de moment. Elle se battait pour protéger, pas pour le plaisir. Je levais les yeux au ciel tout en gardant mon sourire. N'aies pas peur voyons, mon petit ange...
"Je ne suis pas sauvage à ce point. Quelle réputation tu vas me donner ? Mais ne perds pas ton temps avec cette blessure. Je serais guérie dans quelques minutes à peine."
Je haussais les épaules. Je me doutais bien que c'était son style d'aller secourir la moindre personne en danger. Pourquoi aurait-elle voulu me sauver moi ? On se connaissait à peine. Et je n'avais pas besoin d'une protectrice collée à mes basques. Un grognement m'échappa quand je sentis une présence non loin de nous, et que je la vis la seconde d'après. J'avais sorti mes griffes dans un mécanisme de défense. Je remarquais alors qu'il s'agissait d'un ange, avant de remarquer son uniforme.
Certainement la fameuse brigade qu'elle avait appelé. Je le regardais en croisant les bras, arrêtant de grogner. Mais je n'en restais pas moins méfiante. Je n'étais pas vraiment fan de la brigade magique.
"Non, aucun problème."
Je levais un sourcil à la demande de l'ange. Sérieusement ? Rah mais je n'avais pas que ça à faire moi. Je le regardais s'envoler sans bouger et je soufflai.
"Super, comme si je n'avais que ça à faire. Pour ce qui est de quitter Sindarë... C'est un autre débat."
Les règles, c'était surfait. Je quittais régulièrement ma chambre, surtout la nuit. J'étais une fille de la nuit, c'était comme ça.
En gros, mon père nous demande un témoignage qui lui permettra de mettre plus facilement ces voyous derrière les barreaux. J’espère que l’histoire de deux élèves de Sin suffira mais je n’y crois pas trop. J’ai cru comprendre que ce genre de chose est toujours plus compliqué qu’on ne pourrait le penser. Même s’il s’agit de justice.
– Super, comme si je n'avais que ça à faire. Pour ce qui est de quitter Sindarë... C'est un autre débat.
Je regarde ma comparse d’un air interrogateur. De quoi veut-elle parler ? Nous avons le droit de quitter l’académie le week-end elle et moi, il n’y a donc pas de soucis. Enfin, il vaut peut-être mieux que je ne cherche pas à comprendre.
– Si ça peut aider à les faire enfermer ça vaut le coup, tu ne crois pas ? On se retrouve samedi prochain à l’entrée de l’école pour amener nos témoignages ? Ça te convient ?
Je ne m’attends pas vraiment à une participation heureuse et enjouée de sa part mais tant qu’elle fait ce qu’on attend d’elle, tout ira bien. Je refuse que ce genre de choses se reproduise.
– Peut-être qu’ils n’agissent pas seuls… J’aimerai pouvoir faire plus pour aider.
Nous avons finalement eu de la chance qu’ils tombent sur Hayley et moi. Deux non-humaines nées qui savent se défendre. Si ça avait été l’un de nos camarades de classe qui ne contrôle ni ses capacités raciales, ni son pouvoir… Je n’ose imaginer les conséquences. Je crois que je comprends pourquoi ils n’ont pas le droit de sortir de l’académie.
– Bon, je vais te laisser. On se revoit en cours. Bon après-midi !
Je ne vais pas l’embêter plus longtemps. Personnellement, cette histoire m’a un peu chamboulée. Je crois que je vais aller voler un peu pour me détendre.
Des devoirs supplémentaires. Il a vraiment cru que j'avais que ça a faire ? Purée... Mais bon, j'ai un peu la flemme de me mettre à dos la brigade magique pour un truc aussi ridicule. Quant à sortir... Je passe mon temps dehors.
"Aider à les enfermer ? Excuse moi, mais je n'y crois pas une seconde. Ce ne sont pas deux pauvres témoignages de lycéennes qui vont changer grand chose... Mais soit. Oui, si tu veux, samedi."
Je hausse les épaules. Qu'elle aille les aider si ça lui chante. Moi, je m'en fiche. Je voudrais juste leur mettre une raclée moi-même. J'en ai à peine eu la possibilité. Je lui fais un signe de tête quand elle s'envole.
"A plus."
Moi, je n'ai pas envie de rentrer. Je prends ma forme de louve et retourne me balader, passablement énervée, dans les rues de la ville. Au moins, ici, je peux me balader sous cette forme sans que ça ne pose aucun problème. Je passe la journée à courir et à me dépenser pour penser à autre chose.
Samedi
Je récupérais le témoignage que j'avais écrit rapidement quand j'étais rentrée de ma rencontre avec des.. je ne sais pas quoi d'ailleurs. Des kidnappeurs d'êtres surnaturels ? Bref. Ce n'est pas comme si tout cela allait changer grand chose de toute façon. J'attendais impatiemment Amy devant l'école. Plus vite on y allait, plus vite je rentrais. J'avais autre chose à faire de mes journées. Comme aller taper sur des punchingball.
L’heure de mon rendez-vous avec Hayley est presque arrivée quand je ferme la pochette dans laquelle j’ai glissé mon témoignage. Une fois la pochette dans mon sac, je passe celui-ci à mes épaules et sort de ma chambre en saluant mes colocataires. J’espère vraiment que ce que nous faisons servira. Je sais qu’Hayley n'y crois pas. Elle m’a dit, la semaine dernière, que nos témoignages ne serviraient certainement à rien. Mais l’espoir m’habite encore. Nous les avons pris sur le fait. La brigade magique doit les enfermer. Il le faut.
Quand j’arrive devant le portail, ma camarade de classe est déjà là. Je la rejoins en courant et lui souris en la saluant.
– Bonjour Hayley ! J’espère que je ne t’ai pas trop fait attendre. Allons-y.
Elle et moi nous déplaçons vite. Si bien que nous arrivons rapidement au QG de la brigade magique, aux trésors dissimulés. On nous laisse entrer sans problème et nous nous présentons à l’accueil.
– Bonjour, nous venons voir l’agent Williams. Nous avons des témoignages à lui remettre.
L’agent d’accueil nous regarde toutes les deux et nous fait signe d’attendre dans le hall d’accueil avant de partir vers l’arrière. J’en profite pour observer un peu les lieux. C’est la première fois que je viens sur le lieu de travail de mon père. J’aurai préféré venir dans d’autres circonstances mais ça reste intéressant. Peut-être que je travaillerais ici aussi, un jour.
C’est alors qu’un homme entre à son tour dans le poste de police. Il râle en voyant que l’accueil est vide.
– Merde mais c’est pas possible ! Où il est l’autre ?
Je n’aime pas vraiment la façon dont il s’exprime mais bon, j’ai la réponse à sa question alors autant l’aider.
– Il est parti à l’arrière. Il… – Ferme ta gueule gamine ! Je t’ai pas parlé.
Je freeze sous la surprise. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me parle comme ça. Bon, eh bien, s’il ne veut pas de mon aide, je n’ai plus qu’à l’ignorer.
"Bonjour Hayley ! J’espère que je ne t’ai pas trop fait attendre. Allons-y."
Déjà de bonne humeur de si bon matin... Ah les anges et leur sourire, ça me ferait presque vomir. C'est quoi cette manie de voir du bon partout ? Ce monde est bien trop loin de leur idéal. Je souffle un coup. Il est temps d'y aller.
"Salut. Non, c'est bon, t'inquiète."
Il est certain à présent que contaminer les autres avec leur bonne humeur ne fait partie des pouvoirs des anges vu l'humeur que je me traine déjà. Pourquoi je suis de mauvaise humeur déjà ? Ah oui, on doit aller à la brigade magique pour déposer des témoignages qui ne serviront à rien. Une véritable perte de temps.
Je la suis sur le chemin sans grande difficulté. Je ne dis pas un mot en arrivant, la laissant gérer le côté social. Elle a l'air de mieux maitriser les discussions que moi. Enfin, en même temps, ce n'est pas franchement bien compliqué. Je reste en retrait, mal à l'aise. Je déteste cet endroit. Tous ces gens qui croient défendre la paix et les victimes. Que du blabla... Les choses, il faut les régler de suite, pas laisser trainer pendant des plombes avec tout un tas de papiers inutiles à remplir et faire valider. Comme celui que je tiens dans ma main d'ailleurs.
Je n'ai jamais encore vraiment eu affaire à eux. Mais je sais que je suis surveillée. Mon mélange de races est dangereux, autant pour moi que pour les autres. Sans parler de mon pouvoir. On nous fait croire qu'ils sont de notre côté, qu'ils sont là pour nous protéger. Mais je n'y crois pas. Je me défendrai bien mieux seule...
Nous attendons dans le hall que l'agent d'accueil revienne quand un homme arrive à son tour. Il a l'air sur les nerfs. Croyez moi, j'en sais un rayon sur ce genre d'humeur. Je le regarde, blasée. Qu'est-ce qu'il a s'énerver l'autre con ? Il peut pas attendre deux minutes ?
"Ferme ta gueule gamine ! Je t’ai pas parlé."
Je le fusille du regard. Il a dit quoi là ?! Mes yeux virent au rouge alors que je me mets à grogner vers lui. Il n'a pas l'air franchement effrayé, et il sourit même.
"Qu'est-ce que tu veux sale cabot ? Le gentil chien chien veut défendre sa maitresse ?"
Aussi vite que ma vitesse vampirique me le permet, je le saisis à la gorge et cours le plaquer contre le mur le plus proche. Mes ongles, ressemblant beaucoup à des griffes, s'enfoncent doucement dans son cou. Mon grognement est plus fort, mes yeux sont à présent rouge vif et ma queue bat l'air de colère alors que mes oreilles sont plaquées en arrière.
"Je pourrais te tuer en l'espace d'une seconde. Tu ne lui parles pas comme ça ! Et je t'interdis de m'insulter de la sorte, tu ne sais pas à qui tu t'adresses, sale vermine. Tu ferais mieux de t'excuser avant que ma colère ne prenne totalement le dessus et te brise la nuque."
Voilà. Cet éclair de peur qui traverse ton regard, tu comprends que tu viens de faire une erreur et tu le regrettes déjà... Que c'est pathétique... Mes canines luisent sous la lumière du hall et il peut les voir de très près... Je sens sa peur et je m'en délecte. Je déteste les personnes qui se croient au-dessus des autres, sous prétexte qu'elles sont plus âgées ou plus intéressantes.
Je viens de défendre Amy. Je ne sais pas vraiment pourquoi, je ne la connais pas depuis si longtemps. Mais sa manière de lui parler m'a vraiment mise en colère. De quel droit ose-t-il s'adresser à elle ainsi alors qu'elle ne faisait que lui répondre. Elle est gentille, elle ne mérite pas de se faire insulter. Et ca n'arrivera pas en ma présence.
Je ne sais pas trop quoi faire. Mon cerveau a gelé en même temps que mon corps. Ce n’est pas la première fois qu’on ne réagit pas bien à une de mes interventions mais là, c’est particulièrement violent. Heureusement, Hayley intervient avant que je n’aie à me poser trop de questions.
Ses yeux deviennent rouges, signe de sa colère montante. Elle grogne et, c’est un peu étrange mais ça me fait plaisir. Je ne pensais pas qu’elle me défendrait. Je croyais qu’elle ne m’aimait pas.
– Qu'est-ce que tu veux sale cabot ? Le gentil chien chien veut défendre sa maitresse ?
Ok, il est mort. Hayley ne va pas laisser passer ça. Je ne la connais pas encore très bien mais notre mois de cohabitation dans la même classe et l’évènement de la semaine dernière me permettent de savoir qu’elle n’est pas du genre à se laisser insulter ainsi. Et elle me donne très vite raison. Elle le plaque contre un mur en le tenant par la gorge, enfonçant ses griffes dans son cou.
Bon, par contre il va falloir que je fasse quelque chose avant que ma camarade ne passe le week-end dans la brigade magique pour attaque sur civil. Séparons-les rapidement et efficacement, avant que mon père n’arrive de préférence. Hayley ne va certainement pas apprécier mais bon, j’imagine qu’elle comprendra.
J’utilise mes capacités raciales et fait apparaitre un lasso de lumière que j’entoure autour de la taille de Hayley. Je tire d’un coup sec afin de la ramener vers moi et parle immédiatement dans son esprit.
Ne dit rien, mon père arrive. Fais comme si de rien n’était.
L’objectif est de faire croire que seul le connard nous a insulté et qu’Hayley n’a pas attaqué. Mince, le type saigne. Je m’approche de lui alors que je sens la présence de mon père qui se rapproche. Je passe une main rapide sur le cou de l’inconnu ce qui ferme immédiatement les plaies.
Je te conseille de ne rien dire si tu ne veux pas avoir de problème.
Ma voix est violente. Elle n’autorise aucune réponse. Hayley m’a protégé. C’est maintenant à mon tour de le faire. C’est ce moment que choisi mon père pour arriver dans le hall d’entrée.
J'avais réagi vite et sans vraiment trop réfléchir. Là où Amy semblait être restée bloquée, moi j'avais réagi à l'instinct et je l'avais plaqué contre le mur. On ne lui parlait pas sur ce ton et on ne m'insultait pas impunément ! Je lui grognais dessus en enfonçant mes griffes dans son cou. La colère m'habitait et je me laissais dominer par mes émotions sans résister. Il m'avait insulté, il allait le payer. Je n'allais pas chercher plus loin.
J'avais déjà ma petite réputation à S'Indarë. Le peu qui avaient vu ma colère en action n'étaient pas revenus me faire chier ensuite. Entre mon hurlement et mes capacités raciales, ils tenaient bien assez à la vie pour pas revenir à la charge. Mais lui, en l'occurrence, ne me connaissait pas. Mais il allait vite comprendre qu'il avait fait une très grosse erreur en m'insultant de sale cabot.
Alors que j'allais gentiment lui refaire le portrait à ma sauce, je me sentis tirée en arrière par un lasso de lumière. Un grognement m'échappa à nouveau alors que je vis mon jouet s'éloigner de moi. Mais j'entendis aussitôt la voix d'Amy dans ma tête.
"Grr, bon d'accord. Mais c'est bien parce qu'on est dans la brigade..."
Ma colère ne désemplissait pas. Mes yeux étaient toujours rouges et j'avais le sang du mec sur mes griffes. Il fallait que je trouve le moyen de faire passer ça pour autre chose. Instinctivement, je plantais mes griffes dans mes propres mains. Je ferais passer ça pour "J'ai voulu me contrôler donc j'ai préféré me blesser moi parce que je guéris vite." Pas du tout crédible. Mais on allait espérer que ça passe. Je vis alors Amy qui soignait rapidement le cou et je me permis de lire ses pensées. J'entendis alors sa menace bien distincte. Est-ce qu'elle me défendait ? Je n'eus pas le loisir de plus y penser que l'ange de la dernière fois, son père donc, arrivait dans le hall.
"Qu'est-ce qu'il se passe ici ?"
C'est à ce moment-là que je fus prise d'une quinte de toux. Je mis ma main devant ma bouche et c'est alors que je vis du sang qui éclaboussait ma main alors que je toussais de plus belle. Qu'est-ce qu'il m'arrivait ? Je lançais un regard d'incompréhension à Amy alors que ma toux ne s'arrêtait pas...
Je fixais toujours l’inconnu dans les yeux, faisant en sorte que ma menace soit bien claire, quand la voix de mon père retenti dans la pièce.
– Qu'est-ce qu'il se passe ici ?
Je me tourne vers lui, prêt à lui expliquer les faits sans la partie « attaque de vampire-garou » quand Hayley s’est mise à avoir une violente quinte de toux. C’est quand elle tourne son regard vers moi que je constate qu’elle crache… du sang.
– Hayley !
Je me précipite vers ma camarade et active machinalement mon pouvoir angélique à son contact. Mais rien n’y fait, elle continue de tousser et de cracher du sang. Mince. Mes capacités raciales sont encore trop faibles. Je ne peux guérir que les blessures, pas les maladies ou les lésions internes.
Je tourne un regard paniqué vers mon père qui ne tarde pas à prendre les choses en main.
– Monsieur, je vous prie de rejoindre mon collègue. Je me charge de ces demoiselles.
Il prend Hayley part les épaules et me lance un coup d’œil pour me dire de les suivre. Il nous amène à son bureau et fait s’assoir l’hybride sur un siège. Il passe ensuite ses mains sur le ventre de l’étudiante. Une lumière dorée, similaire à celle qui apparait quand j’utilise mes capacités, apparaît sur les zones que les mains de mon père touchent. En quelques instants, la toux d’Hayley se calme.
Mon père se redresse ensuite, soupire un grand coup et s’appuie sur son bureau, de façon à être face à nous deux.
– Puis-je savoir pourquoi je viens de soigner une contamination sanguine à une jeune hybride vampire-garou ? – Euh…
J’essaie de répondre mais mon père me coupe immédiatement.
– Inutile de chercher des excuses. Cette jeune fille a été contaminée par du sang d’hybride grenouille venimeuse. Terriblement dangereux pour les vampires. Or un membre de cette espèce était justement dans l’accueil en même temps que vous. J’attends des explications.
Bon. J’ai parfois tendance à oublier que mon père a plusieurs milliers d’années au compteur. On ne joue clairement pas dans la même cour.
Je ne m'attendais vraiment pas à ça. Pourquoi d'un coup je me mettais à cracher du sang ? C'était dû à mon attaque envers l'homme qui se trouvait juste à côté de Amy ? Je ne savais pas. L'ange se précipita à mes côtés en voyant que je crachais du sang. Elle essaya d'utiliser son pouvoir sur moi mais ma toux ne s'arrêta pas, bien au contraire. Je me sentais faible et je voyais trouble. Moi qui croyais que je résistais bien, il fallait croire que non.
Je sentis des mains puissantes se poser sur mes épaules et je me laissais guider jusqu'au bureau du père d'Amy. Je n'avais de toute façon pas la force de résister. Au fond de moi, j'espérais qu'Amy vienne avec nous, je ne savais pas pourquoi... Je m'assis sur un siège devant le bureau et je sentis une chaleur se répandre dans mon corps. La main de l'ange se déplaçait au niveau de mon ventre et ma quinte de toux s'arrêta. Je respirais un grand coup. Je me sentais beaucoup mieux.
"Merci..."
Il nous interrogea ensuite sur la raison de ma contamination. Je gardais le silence, me rappelant des paroles d'Amy dans ma tête avant qu'elle n'aille soigner l'homme qui nous avait insultées. C'était une contamination sanguine alors... Je regardais mes mains et vis la marque de mes griffes dans mes paumes. J'avais son sang sur mes mains avant de blesser volontairement. Ce qui expliquait la contamination.
Amy ne savait pas quoi répondre à son père. Il avait compris qu'il s'était passé quelque chose. Il attendait de nous la bonne version de l'histoire. Je jetais un œil à ma camarade de classe avant de respirer un coup puis de me lever.
"Votre fille a voulu l'aider, il l'a insultée avant d'également m'insulter. Je n'ai pas réussi à garder mon calme et je l'ai plaqué contre un mur... Mes griffes se sont plantées dans son cou avant que votre fille ne m'arrête. Amy n'est pas responsable de cette situation, j'en prends l'entière responsabilité."
Je gardais mon regard dans celui de l'ange face à moi. J'assumais mes actes, je l'avais toujours fait. J'avais merdé et ce n'était pas à Amy d'en subir les conséquences.
Je ne sais pas trop quoi lui dire. La vérité, bien sûr. De toute façon, je ne sais pas mentir et ça ne me viendrait même pas à l’idée. Heureusement, Hayley ne me laisse pas vraiment le temps de réfléchir et se lève pour raconter sa version des faits.
– Votre fille a voulu l'aider, il l'a insultée avant d'également m'insulter. Je n'ai pas réussi à garder mon calme et je l'ai plaqué contre un mur... Mes griffes se sont plantées dans son cou avant que votre fille ne m'arrête. Amy n'est pas responsable de cette situation, j'en prends l'entière responsabilité.
Wow. Et dire qu’on ne se parlait presque pas avant la semaine dernière. Notre relation a quand même connu un sacré bond en avant ! Enfin, je ne suis pas sûre qu’Hayley m’apprécie et continue de me parler après cette aventure pour autant mais ça reste une avancée. Un lien qui se forme entre elle et moi. C’est toujours bien d’avoir des liens avec ses camarades de classe.
Mon père soupire et se gratte le nez. J’ai remarqué que c’est un tic qu’il a quand quelque chose l’énerve. Nous les anges, exprimons assez peu nos émotions mais certains gestes sont caractéristiques. Quand on connait bien les personnes.
Hayley, maintenant debout à côté de moi, maintient le regard de mon père. Elle a vraiment une force de caractère impressionnante.
– Ce qu’elle dit est vrai, papa. J’ai soigné le cou de cet individu mais il ne le méritait pas.
Mon père soupire une nouvelle fois avant de s’avancer vers nous et de poser une main sur chacune de nos épaules.
– Je vais aller gérer cette affaire. Posez vos témoignages sur mon bureau et rentrez à S’Indarë les filles.
Sa voix était très calme mais, quand il est sorti de la pièce, j’ai eu l’impression que l’hybride grenouille allait passer un mauvais quart d’heure. Je me retourne vers Hayley après avoir déposé mon papier sur le bureau.
– Ça ne se voit peut-être pas comme ça mais il est très protecteur. Nous n’avons pas de soucis à nous faire.
Est-ce que j'appréciais Amy ? Aucune idée. Je n'étais pas le genre à faire ami-ami avec les autres. J'étais bien seule, je n'aimais pas être entourée. Les seuls qui m'entouraient finissaient par s'en prendre une. Mon cristal n'était pas rouge pour rien. J'avais du mal à gérer ma colère. Et les autres ne se privaient pas de venir chercher la merde. Mais bon, ils étaient perdants car c'étaient eux qui avaient mal à la fin. Moi, je m'en fichais.
En revanche, je n'aimais pas les injustices. Et je trouvais injuste qu'Amy paie pour mes erreurs. Je n'avais fait que dire la vérité, je détestais mentir. Et ceux qui le faisaient, en général, ça me mettait en colère. Je ne savais pas ce que son père en penserait mais je doutais qu'il la tienne responsable de quoi que ce soit. Et en même temps, c'était un ange. Je n'avais jamais vu d'ange faire du mal sans raison.
Il finit par se lever pour poser une main sur nos épaules. Je me contentais d'acquiescer à sa demande. Je me demandais bien ce qui allait lui arriver mais j'espérais qu'il ne tirerait pas sans rien. Par contre, je ne comprenais pas comment il était possible que moi, je m'en sorte sans rien. Je posais à mon tour mon témoignage sur le bureau avant de répondre à Amy.
"C'est l'impression que j'ai eu. Mais je suis étonnée, je m'attendais à être punie pour mes actes. Je l'ai quand même blessée. Mais bon, je ne vais pas me plaindre. Rentrons."
Je n'avais pas très envie de rester plus longtemps ici. La brigade magique n'était pas un endroit où je me sentais à l'aise. Une fois sortie du bâtiment, je respirais un grand coup. J'étais bien mieux dehors. Et au moins, on en avait fini avec cette affaire. Du moins, je l'espérais. Mais en y repensant, je n'avais pas envie de rentrer tout de suite. Je voulais profiter du beau temps.
"Je ne sais pas toi, mais moi, je ne vais pas rentrer de suite. Je vais me balader un peu, j'ai besoin d'air."
J’ai conscience que les agissements de mon père peuvent sembler étrange. Quand on n’a pas l’habitude de côtoyer des anges, et pire encore des anges de son âge, on peut trouver des incohérences dans son comportement. Et ça peut parfois être le cas. Il parait qu’après quelques millénaires, on commence à avoir de petits troubles de la personnalité. Mais, en l’occurrence, ce n’est pas ce qui se passe ici.
– C'est l'impression que j'ai eu. Mais je suis étonnée, je m'attendais à être punie pour mes actes. Je l'ai quand même blessé. Mais bon, je ne vais pas me plaindre. Rentrons.
Je comprends qu’Hayley ait ses doutes mais la réalité est simple. Je presse le pas pour suivre le rythme de ma camarade et marcher à ses côtés. Je salue l’agent d’accueil en partant. J’espère qu’on ne lui aura pas causé de problème.
– Je sais que ce qui vient de se passer peut-être étonnant mais, en réalité, mon père préfère éviter à des jeunes comme nous d’avoir des problèmes avec la brigade. Et puis, il a dû considérer qu’il aurait lui-même mal réagit s’il avait été présent. Il n’aime pas vraiment qu’on me parle comme ça.
Il contient, bien sûr, bien mieux sa colère que ma camarade, mais il aurait certainement haussé le ton en voyant ce type m'insulter.
Une fois à l’extérieur du bâtiment, j’en profite pour détendre un peu mes épaules. Quand je suis en intérieur, j’ai toujours l’impression que mes ailes se confinent dans mon dos, comme si elles me demandaient de sortir pour pouvoir se déployer. Cette sensation disparait dès que je mets le nez dehors.
– Je ne sais pas toi, mais moi, je ne vais pas rentrer de suite. Je vais me balader un peu, j'ai besoin d'air.
Je me tourne vers elle et lui souris, croisant mes bras devant moi.
– Bonne idée. Ça ne te dérange pas si je t’accompagne ? Même si j’irai bien voler un peu.
Je réfléchis une seconde. Une idée me vient soudainement à l’esprit.
– Dis ! Ça te dirait une course sur les toits des Trésors dissimulés ?
Je me demande si sa vitesse vampirique peut dépasser ma vitesse de vol.
Je haussais les épaules à sa remarque. Ca m'étonnait mais ça restait cohérent. Un père défendra toujours sa fille, brigade magique ou pas. Mais du coup, me concernant, elle n'était qu'une camarade de classe pour moi à la base. Je ne savais même pas si on était amies. D'ailleurs, est ce que j'avais seulement des amis ? Je ne savais pas et ce n'était pas ma préoccupation première.
"C'est normal, c'est ton père. Mais j'apprécie le geste."
Je sortis rapidement sans vraiment me préoccuper des personnes qui étaient dans le hall. L'appel de dehors était plus fort. Si je pouvais rester constamment en extérieur, je le ferais. Mais ce n'était pas possible.
Sa présence ne me dérangeait pas, étonnamment. Elle pouvait m'accompagner ou non, le choix lui revenait, je ne dirais rien. Un sourire illumina mon visage quand elle me proposa une course. Je l'appréciais de plus en plus cet ange... Pour une fois que le défi qu'on me proposait n'était pas un combat. Mais la course était quelque chose que j'appréciais beaucoup également.
"Avec plaisir, mon ange."
Mon sourire dévoila mes canines alors que je sautais sur l'énorme poubelle de la brigade pour me hisser à l'aide de mes sauts jusqu'aux toits. Bien évidemment, je l'attendis en haut. Elle me rejoignit en volant. J'avisais devant nous les toits qui s'enchainaient pour chercher une ligne d'arrivée.
"Hmm, on se dit qu'on s'arrête à la haute cheminée qui dépasse toutes les autres là-bas ?"
J'attendis son accord avant de me mettre en position pour le départ. Je lui laissais le loisir de donner le top départ. Je n'étais pas du genre à tricher, je détestais les personnes qui trichaient tout autant que celles qui mentaient. Mais j'étais certaine qu'Amy n'était pas de ce genre là.
A son top départ, je partis aussi vite que possible. J'avais de la colère et de la frustration à évacuer et courir était un bon moyen d'évacuer sans taper. Pour une fois. Je ne me mis aucune limite. J'accélérai autant que possible, laissant mon instinct me guider dans ma course. Mes oreilles bougeaient dans tous les sens pour capter les mouvements de ma camarade. Elle n'était vraiment pas loin. Elle était rapide en volant. Mais au bout du compte, j'arrivais la première. Je ne savais pas si c'était dû à ma colère, mais j'avais gagné cette course.
"Tu es rapide dis donc. J'ai adoré ça, merci."
Un sourire resta sur mon visage. J'avais ce genre de sourire quand je prenais plaisir à faire quelque chose. Autrement dit, quand je me battais, quand je courrais ou quand je réussissais certaines choses. Rares étaient ceux qui apercevaient ce sourire.
Je m’attendais à moitié à ce que ma proposition soit rejetée. Après tout, Hayley et moi ne sommes pas très proches. Mais, heureusement, ce n’est pas ce qui est arrivé.
– Avec plaisir, mon ange.
Je la trouve même de plus en plus gentille à mon égard. Enfin, gentille n’est peut-être pas le bon terme… Aimable ? Non plus. Bref, ça va mieux.
Alors qu’elle saute sur une poubelle pour pouvoir rejoindre le toit le plus proche, je déploie mes ailes et la rejoint d’un battement. L’avantage que mon père fasse partie de la brigade du coin est que les passants ne sont pas trop choqués de voir un ange s’envoler. Mon espèce étant plutôt habituée au secteur céleste.
Je me pose à côté d’Hayley.
– Hmm, on se dit qu'on s'arrête à la haute cheminée qui dépasse toutes les autres là-bas ?
Je jette un coup d’œil dans la direction que m’indique ma camarade.
– Ça marche. La première à dépasser la cheminée l’emporte !
Hayley se met en position alors que j’étend mes ailes. Cette situation est bien plus excitante que je ne l’aurai cru. Je n’ai pas vraiment l’esprit de compétition mais je sens que je vais m’amuser.
– Ok, 3, 2, 1, go !
Je donne un violent coup d’ailes pour me projeter vers l’avant, alors que la vampire-garou se mets à courir. Je m’attendais à ce qu’elle court vite mais pas à ce coude à coude. Les anges volent vite. Très vite. Même si je ne bats pas mon père à la course, je suis tout de même plus rapide que bien des espèces volantes. Quand aux espèces terrestres, eh bien je n’avais jamais fait de course contre un vampire. Et encore moins contre un hybride vampire-loup garou.
Je donne un coup d’ailes vers l’arrière pour me stopper dans ma course. Hayley a gagné. Elle a dépassé la cheminée une seconde avant moi. Je me pose à côté d’elle.
– Tu es rapide dis donc. J'ai adoré ça, merci.
Je lui retourne le sourire qu’elle m’adresse en repliant mes ailes dans mon dos. Comme je l’ai dit, j’ai peu l’esprit de compétition mais, même sans ça, j’ai adoré cette course. À chaque instant, on ne savait pas qui allait l’emporter. Je me suis donnée à fond et ça fait du bien.
– De même ! C’était super sympa. On refait ça quand tu veux !
Pas que je souhaite absolument gagner mais j’adorerai revivre cette sensation d’adrénaline ! C’est alors que je remarque que le soleil est à son zénith.
– Il est déjà midi ?
Je vérifie en regardant ma montre. 12h02. Bon, il est temps que je retourne à l’académie et que je mange. J’ai des devoirs à faire cet après-midi. Je ne peux pas me permettre de me balader trop en ville aujourd’hui.
– Je vais devoir te laisser, je dois rentrer à Sin. On se voit plus tard ?
Oui, oui, j’avoue, je prends un peu la confiance. Même si, en soi, on va forcément se revoir, ne serait-ce qu’en cours.
Je peux paraitre froide de prime abord. Non, je suis froide en réalité. Je ne cherche pas vraiment à me faire des amis. Et ce, pour plusieurs raisons. De un, ça ne m'intéresse pas, je suis bien toute seule. De deux, les amitiés créent des faiblesses. Tout de ce que je déteste. Je ne suis pas faible, et je ne le serais jamais. Je ne veux pas dépendre de quelqu'un, et je ne veux pas que quelqu'un dépende de moi. Mais cet ange a tapé juste en me proposant un défi. Je ne refuse jamais les combats ou les défis.
Un course, ça changea de d'habitude en plus. L'adrénaline sans les blessures. Je n'ai rien contre Amy pour le moment, donc je n'ai pas vraiment de raisons de vouloir me battre contre elle. Alors la course est vraiment un bon compromis. Et en plus, faire la course contre un ange est un véritable défi. Si je veux gagner, je vais devoir utiliser mes capacités à fond, j'en suis certaine.
Je me mets en position de départ alors qu'elle étend ses ailes. Je la laisse donner le top départ et m'élance à fond de toit en toit en direction de la cheminée que je lui ai indiquée un peu plu tôt. Nous sommes au coude à coude. Vraiment très proches l'une de l'autre. Je n'aurai pas forcément parier sur ma victoire. Et pourtant c'est moi qui passe la ligne imaginaire d'arrivée en première. A vraiment pas grand chose. L'une comme l'autre, nous sommes ravies de cette course.
"Mais avec grand plaisir mon ange. J'ai enfin un adversaire à ma hauteur à la course."
Je lève la tête vers le soleil. Ah oui, en effet. Et mon ventre se met à grogner.
"Il semblerait. Rentre si tu veux, moi j'ai pas envie. Et on verra mon ange, prends pas trop la confiance quand même."
Un sourire espiègle apparait sur mon visage avant que je ne prenne ma forme de louve.
"Allez, à plus la chouette !"
Et je saute du toit pour rejoindre la rue avant d'aller chercher de quoi me nourrir.
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