J'avais envie de sortir. Bon, ça ne changeait pas de d'habitude. Mais cette fois, je voulais sortir au grand jour. Enfin, façon de parler. Ces derniers jours, entre l'hôpital où j'ai été forcée de rester allongée, et même attachée et la haute surveillance qui a été mise en place, je faisais les cent pas dans ma chambre comme un lion en cage.
Mais, oh miracle, aujourd'hui, j'avais une permission de sortir. Il y avait un genre de festival organisé en ville avec des activités, de la musique, des feux d'artifice... Bref, de l'animation quoi. Mais évidemment, c'était trop beau. Je ne pouvais pas avoir cette permission sans une contrepartie. Et cette contrepartie c'était d'être suivie par un petit chien assigné à ma surveillance. Soit j'acceptais de ne pas rester seule, soit je ne sortais pas. J'avais serré les dents, mais je m'étais résignée à accepter.
20h15
J'avais pu au moins me préparer sans être fliquée. J'en avais donc profité pour sortir une belle robe noire moulante et sans manche, avec un petit décolleté. J'étais ensuite sortie et avais vu l'homme censé me suivre pendant ce festival. Il n'était pas resté très pro en me reluquant de la tête au pied.
"Garde tes yeux ailleurs que sur moi si tu veux pas que je te refasse le portrait... - Fais gaffe à ce que tu dis. - Et toi à ce que tu fais."
J'étais partie sans un regard pour lui en direction du festival. Je sentais sa présence près de moi, c'était oppressant. Il avait ce genre d'aura qui me donnait envie de gerber. Trop présent, trop près de moi... Ouais, j'allais définitivement trouver un plan pour me barrer loin de lui. Je ne connaissais pas sa race et je n'avais pas envie de m'amuser à la deviner à l'odeur. Mais à moins que ce ne soit un vampire, mais ça n'était clairement pas le cas, il ne me rattrapera pas.
J'allais commencer par faire semblant de supporter sa présence. Je me baladais tranquillement, regardant partout en profitant de cet air de liberté qui me tendait les bras. Oh tiens... Une foule... J'accélérais le pas pour me fondre dans la masse. Je n'aimais pas les foules, mais cas de force majeure oblige...
"Eh attends !"
Sa voix était déjà étouffée et moi j'utilisais ma vitesse vampirique pour lui échapper. Il ne pouvait pas me suivre. J'avisais ensuite une petite ruelle qui me permit d'échapper à présent à la foule. Je continuais d'avancer et débouchais sur une autre rue, beaucoup moins fréquentée et juste à côté d'un parc. Je m'engouffrais dans le parc, plutôt vide à cette heure et m'assis sur le premier banc libre que je trouvais. Je soufflais un long moment.
Bientôt une semaine que Rock avait rendu sa plaque et son arme et qu'il était suspendu. Il dormait davantage, s'entraînait davantage, aussi, mais il se faisait surtout beaucoup plus chier que d'habitude. Etre en vacances ne lui réussissait pas vraiment, il fallait bien le reconnaître.
Heureusement, ce soir, c'était le festival du nouvel an chinois. Et comme chaque année, Mei le traînait de force à l'évènement pour le sortir, et parce qu'elle ne voulait pas y aller avec quelqu'un d'autre que lui. Les deux jeunes gens s'étaient rencontrés à l'école magique lors de leur première année, juste après que le faucheur ait été renvoyé en cours et que ses pouvoirs létaux aient été neutralisés. Très vite, un lien fusionnel était né entre eux, du genre de ceux que l'on ne trouvait qu'entre meilleurs amis, voire frères et soeurs en de rares occasions, ou bien amants, le plus souvent. Cependant, dans leur cas, leur relation avait toujours été platonique. En particulier dans l'esprit introverti et renfermé de Jason. Il la voyait davantage comme une petite soeur que comme une femme, et ça avait toujours été le cas.
Au départ, c'était la même chose pour Mei. Mais au fur et à mesure des années, à force d'apprendre à connaître le brun et son véritable caractère se dissimulant derrière ce masque qu'il présentait aux autres, elle était tombée amoureuse de lui. Piégée par leur relationnel ancien et plus proche de celui de de frère et soeur qu'autre chose, elle n'avait jamais osé lui en parler. Mais elle acceptait mal que d'autres femmes tournent autour de lui, et cela pouvait facilement attiser une jalousie non avouée dissimulée chez elle.
Ce soir là, elle s'était faite belle, et avait mis une jolie robe typique de son pays, espérant peut être trouver un bon timing pour lui dévoiler ses sentiments, durant les feux d'artifices, peut être, ou bien... Elle ne savait pas trop. - Allez, dépêche toi ! Lança t'elle à Jason en tirant le brun par le bras comme le ferait une enfant qui voudrait faire un tour de manège ou avoir sa glace. Celui ci soupira et la suivit d'un pas tranquille. Ils avaient le temps, de toute façon: les feux d'artifices n'étaient pas prévus avant 21:30.
Ils traversèrent un pont de bois et les passants se firent plus nombreux. Ils approchaient d'un des points chauds de l'event. Le brun aperçut alors des stands où étaient vendues toutes sortes de saletés originaires d'Asie, et il sut que son amie allait foncer sans se faire prier pour en acheter. Cigarette aux lèvres. Il l'observa avec un léger sourire, entre amusement et attendrissement. - Jay' ! Tu viens ! Lui hurla t'elle en faisant un grand signe de main. Résigné, mains dans les poches, le brun la rejoignit d'un pas toujours aussi tranquille. - Goûte, c'est délicieux ! Lui dit elle en lui présentant quelque chose qui ne faisait vraiment pas envie au brun, qui déclina la proposition. - Non, merci, ça ira. Je te laisse ce plaisir.
Jason n'était pas un fan de ce genre de festivals, mais il n'avait pas franchement eu le choix, cette fois ci. Mei lui en voulait toujours après ce qui s'était passé. Elle avait pris un blâme par sa faute, et plus important encore, elle s'était beaucoup inquiétée pour lui. Il avait donc décidé de faire profil bas et d'accepter l'invitation, histoire de se faire pardonner. La jeune Ling acheta ses friandises puis revint vers Rock dont elle attrapa le bras avec un grand sourire: - On continue à faire les stands ?! Lui demanda t'elle, visiblement de très bonne humeur. - Si tu veux, mais il faut qu'on se trouve un bon spot avant le début des feux, quand même. - Ca vaaa ! On a encore le temps ! Allez, viens ! Ordonna t'elle alors que le brun se laissait traîner, comme un gosse résigné ayant accepté sa punition.
Je respirais doucement l'air frais de la nuit. Et au passage, ça me permettait de capter les odeurs autour de moi pour éviter que l'autre clébard ne me retrouve. Je voulais être tranquille. On ne me lâchait pas les basques depuis que j'étais revenue de l'hôpital, c'était un enfer. Je basculais ma tête en arrière, en fermant les yeux, profitant de la brise qui venait caresser les parties non habillées de mon corps. Je me sentais libre, enfin. Ca faisait longtemps. Je revins à moi, regardant mes poignets. J'avais encore le souvenir des menottes qui me serraient et me blessaient alors qu'ils m'avaient attachée au lit. Je n'avais plus les marques mais le souvenir de mon moment de panique l'était toujours.
Je grognais un coup avant de me lever. Putain, fichu colère, fichu trauma... Des voix fortes me sortirent de mes souvenirs. Mais qui hurlait comme ça ? Mes oreilles s'agitèrent dans tous les sens pour décortiquer les sons et me concentrer sur ces voix en particulier. Elles me disaient quelque chose. J'utilisais mon odorat pour me repérer et tenter de reconnaitre les personnes que j'entendais.
"On continue à faire les stands ?! - Si tu veux, mais il faut qu'on se trouve un bon spot avant le début des feux, quand même. - Ca vaaa ! On a encore le temps ! Allez, viens !"
Mais oui, c'était celle qui nous avait aidé Jason et moi lors de notre intervention contre le tueur d'hybrides. Et elle était donc avec Jason. Qu'est-ce que je faisais ? J'allais les voir ? Et en même temps sortir de ce parc c'était m'exposer à nouveau. Je n'avais pas envie que l'autre pervers me retrouve. Mais l'envie d'aller les saluer était forte. J'avais beau aimer être seule, je ne disais pas non à voir quelques têtes connues. Surtout quand ça impliquait celui qui m'avait aidée à coincer le meurtrier de Maria, et qui m'avait sauvé la vie. Et elle aussi avait participé, indirectement.
Je sortis donc de l'ombre, vérifiant qu'il n'y avait personne autour de moi, et je me dirigeais vers eux en suivant les odeurs. Je les repérais enfin proche des stands. Elle avait l'air heureuse d'être là alors que lui... pas tant que ça. Je souris, lui et sa mauvaise tête. Etrangement, il n'avait pas le même visage quand il était venu me voir à l'hôpital...
Je m'approchais discrètement d'eux et, quand ils s'arrêtèrent à un stand, je me glissais de l'autre côté pour être en face d'eux. Je souris légèrement avant de les saluer.
"Salut vous deux. Vous allez bien ?"
Je n'avais pas oublié qu'à cause de cette histoire, ils avaient tous les deux été mis à pied. A vrai dire, ça m'embêtait pour eux. Moi j'avais un petit chien qui me suivait partout pour vérifier que je ne faisais pas de conneries, mais eux avaient carrément un arrêt forcé du travail. Je ne les avais pas recroisé depuis cette affaire. Est-ce qu'ils me considéraient responsables de tout ça ? Je n'en savais rien, mais j'imaginais que je le saurais vite avec leurs réactions...
Le jour tombait lentement pour céder la place à une douce nuit d'été sur la capitale britannique. Rock n'aimait pas trop ce genre de soirées, mais au moins, il était peu probable qu'il se retrouve dans des ennuis. Les mises à pied avaient du bon, parfois. - Salut vous deux. Vous allez bien ? Par réflexe, Jason se tourna vers la voix qu'il avait reconnu aussitôt, Mei toujours fermement agrippée à son bras: - Tiens, tiens... Mais c'est notre jeune chaton hybride, murmura t'il dans un sourire narquois. - Chaton ?! S'exclamèrent les deux jeunes femmes exactement au même instant mais sur un ton totalement différent.
Aussitôt, Mei lança un regard noir à Jason, visiblement rempli de reproches. Elle n'aimait pas qu'il appelle une autre femme par un tel surnom alors qu'elle même n'y avait même pas droit. Surtout une jeune femme habillée de façon aussi provocante, constata t'elle en tournant son regard glacial vers Hayley qu'elle reconnut à cet instant. C'était l'adolescente qu'ils avaient aidé quelques jours plus tôt, et à cause de qui ils avaient pris une suspension. De mieux en mieux, vraiment... - Mais dis moi, tu t'es sacrément apprêtée, ce soir, ajouta le brun après s'être dégagé de l'emprise de son amie et avancé vers la jeune louve. Un rencard, j'imagine ? Poursuivit il avec ce même sourire narquois. - Jay' ! Lacha soudain Mei, visiblement agacée. On va être en retard pour les feux, invoqua t'elle comme prétexte alors qu'ils ne démarreraient pas avant une heure. - On a le temps, tu l'as dit toi même... rétorqua le brun, visiblement décontracté.
Mais la jeune chinoise n'avait pas l'intention de se faire voler son rencard ! Pas ce soir ! Elle s'interposa entre Jason et l'adolescente, puis: - Tu ne devrais pas être à S'Indarë, en ce moment, toi ? Lança t'elle d'un ton glacial. - Mei, ça suffit... intervint le brun. - Oh, je vois ! Alors, c'est lui, ton rencard ?! Lança t'elle à l'intention de Hayley en pointant Ashfield du doigt. - J'ai dit "Ca suffit" ! Trancha le brun d'une voix plus autoritaire que précédemment.
Aussitôt, la jeune femme aux couettes bleutées tourna son regard vers Rock qui lui renvoya son regard sans bouger, puis fixa à nouveau Hayley: - Si tu ne t'étais pas montrée... Quelques larmes que la jeune louve fut la seule à apercevoir apparurent au coin des yeux de la jeune asiatique avant qu'elle ne s'enfuie en courant. - Mei ! Mei, reviens ! Le brun soupira longuement avant de se tourner vers la jeune louve: - Désolé... Elle peut se montrer... particulièrement territoriale et relativement hypersensible, quand il s'agit de ce festival. Le nouvel an chinois est une chose importante pour elle... Tu veux boire quelque chose ? Lui proposa t'il alors qu'ils étaient juste devant un stand vendant des boissons et qu'un silence gênant était en train de s'installer entre eux.
Jason, dans toute sa splendeur, avec son surnom ridicule... Je n'avais pas pu m'empêcher de le redire à haute voix, et de remarquer que la jeune femme avec lui l'avait fait exactement en même temps que moi. Mais elle ne semblait pas vraiment apprécier qu'il m'appelle comme ça.
"Chaton ?! Prends pas trop la confiance, l'ange de la Mort, mes griffes sont particulièrement acérées aujourd'hui."
Je captais le regard de son accompagnatrice sur moi. Bon, de toute évidence, elle ne me portait pas dans son cœur... Je n'y fis pas attention de prime abord, écoutant Jason qui me parlait.
"Non, pas du tout. Ca fait juste des jours que je suis enfermée donc j'en profite un peu."
La jeune chinoise semblait s'impatienter mais Jason n'avait pas l'air de comprendre le pourquoi du comment. De mon côté, mon cerveau faisait lui même les rapprochements et je commençais à comprendre certaines choses. Surtout lorsqu'elle utilisa un ton glacial pour s'adresser à moi. Elle me considérait comme une rivale, de toute évidence.
"Tu ne devrais pas être à S'Indarë, en ce moment, toi ? - Mei, ça suffit... - Permission de s... - Oh, je vois ! Alors, c'est lui, ton rencard ?! - Non, je... - J'ai dit Ca suffit"
Je m'étais reculée d'un pas. Mais il se passait quoi là ? Mon regard passait de l'un à l'autre alors que ma queue s'agitait dans mon dos de nervosité. Lorsqu'elle reposa son regard sur moi, j'y vis quelques larmes. Mes oreilles s'abaissèrent aussitôt. J'avais compris.
"Si tu ne t'étais pas montrée... - Je suis..."
Désolée. Mais encore une fois, je n'avais pas réussi à finir ma phrase. Jason l'appela alors que je la regardais partir, les oreilles toujours baissées. Je relevais doucement mon regard vers le brun. Il n'avait rien compris. Je chuchotais, autant pour moi-même que pour lui, sachant qu'il m'entendrait.
"Il semblerait que j'ai interrompu quelque chose..."
Il n'y avait pas que le nouvel an chinois qui était important pour elle a priori.
"Oh euh... Oui, pourquoi pas. Je suis ... désolée de l'avoir fait fuir. Ce n'était pas mon intention."
Je regardais un instant dans la direction vers laquelle elle s'était enfuie. Ce regard... Je saurais reconnaitre ce genre d'émotions entre mille. La jalousie. Elle était amoureuse et il était clair qu'elle voulait lui dire ce soir. Et son moment avait été gâchée à cause de moi. Je soufflais un instant. Ce n'était pas comme si je n'avais pas déjà l'habitude qu'on me fuit. Mais là, j'en étais responsable. Il fallait que je dise quelque chose, ça devenait gênant.
"Hmm... Du coup, vous étiez venus... voir le feu ?"
Question débile, Hayley, tu t'enfonces. Je peux fuir aussi ou... ? D'un autre côté, je n'avais pas envie non plus de retourner dans la foule, trop de risques de croiser l'autre clébard de service.
Au delà du fait que Jason n'avait jamais compris que sa meilleure amie était tombée amoureuse de lui, il ne s'était même pas rendu compte que le nouvel an chinois n'était pas supposé être avant février. Contrarié par sa mise à pied, conscient qu'il devait un service à Mei après toute cette histoire et qu'il devait se faire pardonner, il n'avait pas cherché plus loin. Et celle ci avait joué là dessus. Elle voulait sortir avec lui et avait renommé un autre festival asiatique en nouvel an chinois pour être sûre que le brun accepterait de l'accompagner. - Il semblerait que j'ai interrompu quelque chose... - Non, non... T'inquiète pas. Elle peut être à fleur de peau quand il s'agit du nouvel an chinois. C'est sa culture d'origine, et ça lui manque, alors elle veut que tout se passe bien quand on y va. Et elle se montre parfois déraisonnable à cause de ça. Il faudra juste que je la retrouve d'ici un moment, le temps de la laisser se calmer, expliqua le brun alors qu'ils faisaient la queue pour obtenir leur boisson.
Le duo récupéra ses boissons et s'éloigna. Jason avait demandé une boisson avec du lait. Et de toute évidence, il ne voulait pas autre chose... - Hmm... Du coup, vous étiez venus... voir le feu ? - Et faire les stands, oui. Elle adore faire les stands, pour une raison qui m'échappera toujours, ajouta t'il à mi-voix d'un ton blasé.
Un sourire narquois apparut sur les lèvres du brun, et il se tourna vers Hayley: - Mais c'est plutôt à toi qu'il faut demander ce que tu fais ici ?! Surtout dans une tenue pareille ! Si Rehrin l'apprend, j'en connais une qui va être remise sous haute surveillance, et pendant longtemps, cette fois... Naturellement, le duo s'éloigna de la foule et grimpa quelques marches menant à un petit jardin sur un petit plateau surélevé, avec un banc. Un endroit idéal pour observer les feux, même s'il était encore trop tôt pour ça. Le brun se laissa tomber sur le banc tout en observant la foule qui grouillait à quelques dizaines de mètres, un peu plus bas. - Alors... Comment s'est passé ton retour à l'école après tout ce qui est arrivé ? Ca a été ? Au delà du fait que visiblement, tu sembles enfermée la plupart du temps, si je comprends bien, ajouta le brun en tirant une nouvelle cigarette de son paquet.
Rapidement, l'espace de quelques secondes, il observa la brune de bas en haut jusqu'à ce qu'elle tourne le regard vers lui, ce qui le poussa naturellement à détourner le regard en direction de la foule en contrebas: cette robe qu'elle portait la mettait particulièrement en valeur.
Cela fait deux fois qu'il évoque le nouvel an chinois. Mais nous sommes en août et le nouvel an chinois, c'est en février. Pourquoi parle-t-il de cela ? Est-ce Mei qui lui avait menti pour qu'il l'accompagne ici ? En même temps, ça ne m'étonnerait clairement pas qu'une femme amoureuse soit capable de tout pour séduire. Brrr, étrange... Bref, je dois peut-être clarifier cette histoire dans sa tête. Il se fait mener en bateau, ce n'est pas cool...
"Dis moi Jason, t'es au courant que... c'est pas le nouvel an chinois ? On est à la fête de la mi automne..."
Un peu gênant de lui annoncer ça comme ça, mais je n'aime pas les mensonges. Je trouve ça horrible de manipuler les gens et de leur mentir pour arriver à ses fins. Pourquoi les gens hésitent ils à être franc ? Au lieu de tourner quarante fois autour du pot.
Je récupère ma boisson avant de le suivre. Je suis restée sage, j'ai pris du soft. M'enfin, c'est pas comme si l'alcool avait un quelconque effet sur moi... Je ris à son air blasé. J'ai la nette impression qu'il n'est pas là de gaieté de cœur. Mais il change vite de sujet et je souris. Il n'a pas perdu de temps pour remarquer ma tenue.
"Quoi ? Ca fait trop Quartier du Musée Rouge à ton goût peut-être ? Pour ton information, il est au courant. Et je suis déjà sous haute surveillance. En théorie. En pratique... il se pourrait que j'ai semé mon clebard pervers dans la foule. Assez facilement d'ailleurs. Mais dis donc, ça te va bien aussi de porter autre chose que ta chemise de travail. Même si les chemises, ça ajoute un truc quand même."
Je le suis à l'écart de la foule. Je suis bien contente de ne pas rester près des stands, j'ai toujours peur de voir le visage de mon cher surveillant apparaitre pour me tirer de force loin de ce festival. Il ne sera pas content quand il me retrouvera. S'il me retrouve. Au pire, je disparaitrai, encore. Ce serait dommage, maintenant que j'ai trouvé quelqu'un avec qui passer du temps.
Je m'assois à ses côtés, profitant de ma boisson. Mes oreilles bougent à l'entente du bruit de cigarettes que l'on ouvre. Je lui en pique une rapidement et la glisse derrière mon oreille. Le temps de lui répondre, puis de lui piquer du feu. Lorsque je tourne mon regard vers lui, je vois qu'il détourne le sien. Je plisse les yeux. Bah voyons, l'inspecteur a les yeux fuyants maintenant...
"Comme on pourrait l'imaginer, j'ai pas passé un super moment dans le bureau de Rehrin. M'enfin, c'est pas comme si j'avais pas l'habitude. Mais bon, j'imagine que lui par contre, il en a marre de me voir dans son bureau. Interdiction de sortir de l'école sans son autorisation, et sans chien de garde pour me surveiller. Tu me connais, j'ai pas résisté longtemps à l'envie de le fuir... Surtout vu celui qui m'a été assigné aujourd'hui. Lui, ne sait pas être discret pour mater..."
Est-ce que j'étais certaine que Jason avait regardé ma tenue ? Evidemment. Deux remarques à ce sujet depuis que je l'avais rencontré au stand, un regard fuyant quand moi je le regarde alors qu'on est assis à côté. J'ai l'habitude qu'on me regarde, bien ou mal, je sais reconnaitre les discrets comme les moins discrets. Au moins, lui a la décence de ne pas rester fixé sur ma poitrine. Je sais que cette robe me met en valeur, mais je ne vais pas la laisser au placard sous prétexte qu'elle révèle certaines parties de mon corps. J'assume mon corps et je n'ai que faire du regard des autres. Mais il vaut mieux pour eux qu'ils restent discrets. Je n'apprécie guère les voyeurs, et ils se souviennent tous d'avoir dit bonjour à mon poing.
- Dis moi Jason, t'es au courant que... c'est pas le nouvel an chinois ? On est à la fête de la mi automne...
Dans l'esprit du faucheur, ce fut comme si un miroir se brisait lorsque la jeune louve prononça ces paroles. Surpris, les yeux écarquillés, il s'empara de son verre et s'éloigna du stand d'un pas presque mécanique. Elle avait raison ! Le nouvel an chinois n'était pas en août, mais en février. Comment avait il pu se faire avoir aussi facilement ?! Et puis surtout... Pourquoi Mei avait elle menti ?!
Il suivit naturellement le chemin s'éloignant de la foule pour rejoindre un petit plateau en surplomb. Reprenant la conversation pour tenter de dissimuler son incompréhension et sa surprise, il changea de sujet et bascula sur la tenue de la jeune adolescente, avant de se laisser tomber sur le banc. - Non, non... C'est très bien. Je dirais même que ça te va très bien, en fait. Un clébard ? Elle était donc surveillée ?
Elle le complimenta au passage rapidement sur sa tenue, mais il sembla quelque peu gêné: visiblement, il n'encaissait pas très bien qu'on s'intéresse à ce qu'il portait, et encore moins qu'on le complimente dessus. - C'est que... j'ai été mis à pied pour un mois, alors... j'en profite pour éviter le tenues de boulot pendant un moment, lui annonça t'il soudainement dans un sourire nerveux et mal à l'aise. Au passage, Mei a été suspendue pendant deux semaines, ce qui n'aide pas à restaurer sa bonne humeur, ajouta t'il en faisant le lien entre la crise de son amie et leurs mises à pied respectives.
Pendant qu'elle lui racontait un peu ce qui lui était arrivé ces derniers jours à l'école de magie, il tira une cigarette qu'il mit à ses lèvres, mais Hayley lui piqua aussitôt: - Bah dis donc, ça va, tu fais comme chez toi, à ce que je vois ?! Le brun tira une seconde clope qu'il mit à sa bouche, puis rangea son paquet avant de faire claquer son zippo en argent. Aussitôt, la jeune hybride attrapa la main de Jason pour que la flammèche allume aussi sa clope à elle. - La gêne, toi, tu connais pas, hein ?
Il la laissa poursuivre son récit, et une grimace déforma ses traits lorsqu'elle mentionna l'interdiction de sortir sans autorisation et sans surveillance. - Oh, dur... Murmura t'il alors. Ca me rappelle mes années à S'Indarë, tiens... ajouta t'il d'un ton amusé. - Tu me connais, j'ai pas résisté longtemps à l'envie de le fuir... Surtout vu celui qui m'a été assigné aujourd'hui. Lui, ne sait pas être discret pour mater...
Le brun cessa de boire et releva les yeux vers elle suite à cette dernière phrase: cette pique lui était elle destinée ? Non, elle ne pouvait pas l'avoir vu... En revanche, il comprenait tout à fait cette volonté de liberté. Il l'avait toujours connue, aussi loin qu'il s'en rappelle. Lui mettre des menottes ou des bâtons dans les roues lorsqu'il cherchait son indépendance n'avait jamais été une bonne idée... - On t'a donc assigné un garde qui a les yeux baladeurs, si je comprends bien ? Pas très pro, tout ça... Ne put il s'empêcher d'ajouter avec un sourire cynique avant de jeter son verre dans la poubelle voisine.
Il expira sa fumée en observant Hayley sans se cacher, cette fois, mais sans la mater, également. - Et c'est comme ça que tu t'es retrouvée à un festival avec une robe de sortie comme celle là... Commenta t'il simplement avec un sourire narquois. Tu es probablement la seule femme habillée aussi chic pour un tel festival, fit il alors remarquer. Ce qui n'aidera pas à te débarrasser de ton nouveau stalker favori, conclut il en expirant une nouvelle bouffée en direction du ciel.
Il faut croire qu'il avait en effet été berné par Mei... J'avais vu son visage changer d'expression mais il était parti aussi vite du stand. Cette nouvelle ne devait pas lui plaire... Par contre, je restais sans voix quelques secondes. Il avait dit quoi là ?
"Euh... Merci..."
Mes oreilles s'abaissèrent un instant de gêne. Je ne m'attendais pas à avoir un compliment de sa part. Il trouvait donc que cette robe m'allait très bien... Mais il faut croire que je n'étais pas la seule à avoir du mal avec les compliments. Lui semblait plus gêné que moi d'ailleurs.
"Un mois ?! La vache... Ouais en effet, j'imagine qu'elle me considère fautive de sa sanction..."
Et du raté de son rendez-vous. Non, décidément, je ne voyais pas comment ça pourrait s'arranger. Elle me détestait probablement. Une de plus. Je lui fis un clin d'œil en récupérant sa cigarette. Et je pris également sa main avec la mienne, en me penchant légèrement en avant pour récupérer la flammèche et allumer ma cigarette.
"Non, en effet, tu m'expliqueras ce que c'est ?"
Je souris avant de relâcher de la fumée sur le côté. Je continuais mon récit et ris à sa remarque.
"Pourquoi ça ne m'étonne pas ?"
Je savais déjà qu'il était à S'Indarë. J'avais lu son dossier, je savais une majorité d'informations à son sujet. Mais ça, il ne le savait pas. Enfin, il se doutait certainement de quelque chose étant donné que j'avais fait quelques allusions à sa race, qu'il ne m'avait jamais dite. Il avait lu mon dossier, j'avais lu le sien, on était quittes.
Il tiqua à ma dernière phrase et je m'autorisais un sourire en coin. Vas y, torture toi pour savoir si je t'ai cramé ou non... C'est délicieux à voir. Je soufflais à nouveau de la fumée à l'opposé de lui avant de lui répondre d'un air blasé.
"Ouais, t'as bien compris... Aucune pudeur... Si j'avais pu, je lui aurais fait remonter le regard avec mes poings..."
Mais bon, il parait que je devais essayer de me tenir à carreau. Très drôle cette blague... Je laissais échapper un rire, autant à ses phrases qu'au petit sourire que les ponctuait.
"Il m'a dit que je pouvais sortir exceptionnellement, mais sous surveillance. Je n'allais pas m'en priver ! Ca fait des jours que je tourne comme un lion en cage dans ma chambre... Certes, il se pourrait que la tenue soit quelque peu... voyante. Mais bon, je ne vais pas me priver de porter certaines de mes tenues à cause d'hommes comme lui. Mais vaudrait mieux qu'il sache se contrôler. Sinon je ne me contrôlerai pas non plus sur ma manière de le remettre à sa place."
J'écrasais mon verre avant de le jeter à mon tour. Je repris ma cigarette en bouche et soufflais au passage ma fumée vers le ciel. Je restais ainsi, à regarder la nuit tomber. Quelques étoiles commençaient doucement à apparaitre. Il se pourrait que l'on soit bientôt proche de l'heure du feu d'artifice.
- Un mois ?! La vache... Ouais en effet, j'imagine qu'elle me considère fautive de sa sanction... - C'est probable, en effet... En tout cas, au moins partiellement, puisque j'ai ma part de responsabilité aussi.
Une part bien supérieure, techniquement. C'était lui qui l'avait mêlée à tout ça et lui avait demandé du matériel. Mais l'avis de la jeune Ling était biaisé: ses sentiments pour le faucheur l'avaient amenée à transférer l'aspect "fautif" sur Hayley. Et ce qui venait de se passer ce soir ne ferait qu'empirer la situation. En fin de compte, si elle n'avait pas été là, rien n'aurait déraillé: elle aurait pu se déclarer, ils n'auraient pas été mis à pied, elle ne se serait pas disputée avec Jason. Mais en réfléchissant de cette manière, elle oubliait un peu vite que l'intervention de la jeune louve lui avait peut être évité le rejet le plus douloureux de sa vie, pour la simple et bonne raison que le brun n'avait pas ce genre de sentiments à son égard. Question de points de vue...
L'adolescente lui piqua une cigarette sous l'oeil amusé du brun qui le lui fit remarquer, mais qui ne manqua pas de laisser traîner un oeil dans son décolleté lorsqu'elle se pencha pour allumer la clope en question (et peut être pas qu'elle, d'ailleurs... ).
Leur conversation se poursuivit dans une ambiance agréable, et Hayley confirma les soupçons de Rock concernant son "gardien" temporaire. - Si tu lui refais le portrait, ton dossier scolaire aura une nouvelle entrée, et toi une nouvelle punition, commenta t'il avec un hochement de tête, de toute évidence connaisseur en la matière pour l'avoir vécu lui même par le passé. - ... Certes, il se pourrait que la tenue soit quelque peu... voyante... Jason ne commenta pas mais eût un hochement de tête des plus éloquents.
La tête renversée en arrière, cigarette aux lèvres, le duo se ressemblait dans sa manière d'agir et d'être en cet instant. Leurs caractères se ressemblaient beaucoup, eux aussi. Le brun avait eu de nombreux problèmes lors de sa scolarité, et sa condition de faucheur lui avait valu de nombreux problèmes, ce qui était par ailleurs toujours le cas aujourd'hui. - Ce sera une belle nuit... Idéale pour des feux d'artifices, murmura t'il en fixant les étoiles. Tu as pu aller à l'enterrement de Maria, quand même ? Demanda t'il soudain d'une voix plus douce. J'ose espérer qu'ils t'ont au moins accordé ça à ta sortie de l'hopital...
Stopper les pourris et se montrer gentil avec son prochain était rarement récompensé à sa juste valeur, dans ce monde. Ils avaient pris tous les risques afin de démasquer Maverick et son fils, et tout ce qu'ils avaient obtenu, c'était des sanctions pour ne pas avoir respecté "les règles". Même après toutes ces années, c'était une chose à laquelle Jason n'arrivait pas à se faire, et qui lui tapait méchamment sur les nerfs. Il lui arrivait de se demander pourquoi il faisait ce travail si c'était pour être traité de la sorte... Et ce n'était pas nouveau...
Sa part de responsabilité ? Si elle lui en avait voulu, ça avait dû duré quelques heures tout au plus. Son jugement est altéré par ses sentiments. Et j'imagine sans peine que, au contraire, ses ressentis à mon égard sont exacerbés. Mais peu importe, des ennemis je n'en manque pas. Une de plus, une de moins, si elle essaie de me chercher, elle me trouvera sans problème.
Est-ce que je me suis penchée un peu plus pour vérifier quelque chose ? Peut-être. Je souris légèrement en voyant qu'il est tombé dans ce test à pieds joints. Je ne peux pas lui en vouloir. Cette robe met particulièrement bien en valeur ma poitrine, plutôt généreuse d'ailleurs. Donc les coups d'œil dessus sont... compréhensibles. Mais qu'il fasse gaffe, je l'ai à l'œil. Et le mien reste sur des zones non sensibles.
"Un peu plus, un peu moins. Je ne suis plus à une punition près..."
Je souris largement en voyant son approbation sur le fait que ma robe est voyante. J'ai compris que la robe te plaisait Jason... Je n'ajoute rien, je ne vais pas le mettre mal à l'aise, pas maintenant.
Nous nous retrouvons exactement dans la même position, à regarder le ciel. Le tableau doit être étrange de l'extérieur. Lui et moi avons pas mal de choses en commun. J'ai pu le remarquer en lisant son dossier. Je pourrais le charrier sur d'autres choses que sa race. Mais pas tout de suite, le moment est paisible, il faut en profiter.
Je reste fixée sur le ciel quand il parle de Maria. Ca reste un sujet sensible, même si son meurtrier a été attrapé. Je reprends un peu ma respiration, histoire de ne pas trembler en lui répondant.
"Oui... J'ai un peu insisté mais j'ai eu le droit. Accompagné. Au moins, celui là est resté respectueux."
Il était resté en retrait et silencieux. Je préfère ceux là, ils sont plus discrets, moins voyants et donc moins dérangeants.
J'entends soudain les premiers bruits du feu et lève un bras vers le ciel.
"Regarde ! Ca commence. On est super bien placé pour le voir."
Mais mon sourire s'évanouit assez vite et je me redresse en hâte. IL est là, pas loin, je l'ai senti.
"Hayley ! Viens ici ! - Va voir ailleurs si j'y suis, je suis pas à tes ordres."
Je me fais violence pour reporter mon regard sur le spectacle mais j'entends ses pas qui se rapprochent de nous. Il m'attrape le bras pour me lever d'un coup et je le pousse pour qu'il me lâche.
"Ne me touche pas. - Sinon quoi ?"
Je le fixe de mon regard devenu rouge sang. Il veut la guerre ? Il va l'avoir. Un grondement sourd s'élève de ma gorge. Qu'il essaie seulement de poser ses mains sur moi et il comprendra vite sa douleur.
Il savait que le sujet était encore sensible. C'était une de ses amies proches, et elle était morte dans ses bras. Néanmoins, il prit le risque d'aborder le sujet. Il s'intéressait, voulait savoir comment tout ça s'était terminé de son côté. Il resta silencieux suite à sa réponse, se contentant de fixer la voûte céleste. Soudain, l'adolescente leva un bras en l'air et le brun suivit ce qu'elle lui montrait du regard: - Oui, c'était le coup qui annonçait le départ. Ca va pas tarder, lui répondit il d'une voix apaisée.
Mais soudain, une voix inconnue et pour le moins agressive appela la louve tout en débarquant en courant, à cours d'air. Le brun se leva doucement en fixant l'inconnu. Un premier échange musclé eût lieu entre eux et Jason comprit très rapidement de qui il devait s'agir: - Ne me touche pas. - Sinon quoi ? - Alors c'est toi, le mort de faim ? Interrompit il soudain avec son cynisme habituel malgré la tension palpable de la scène.
Main droite dans la poche, il fixait le type comme il aurait fixé un violeur récidiviste. - Mêles toi de tes affaires, toi ! Je bosse pour S'Indarë. - Quelle chance... Voila une info que je n'avais pas demandé à obtenir, rétorqua Rock avec un ton méprisant. Agacé par le ton d'Ashfield, l'homme se détourna de la lycéenne pour s'intéresser à cet adulte étrange: - Hé, si tu veux avoir des emmerdes avec la brigade, je me casserais d'ici, si j'étais toi... - Oh, vraiment ? Rétorqua Rock avec un sourire de plus en plus narquois après avoir échangé un regard entendu avec Hayley. - Cette gamine est sous liberté surveillée, c'est clair ?! C'est moi qui la surveille, ce soir ! Alors, si tu ne veux pas avoir à expliquer pourquoi un pervers dans ton genre draguait une ado de 16 ans, tu ferais mieux de laisser tomber immédiatement ! Cracha t'il à Jason.
Aussitôt, le faucheur disparut à ses yeux après s'être changé en brume, et reparut à quelques centimètres de l'homme dont il attrapa la main inquisitrice qui le pointait, une seconde avant. - Sinon quoi ? Répéta t'il d'un ton devenu glacial en reprenant les mêmes mots que le surveillant en question. Son emprise sur le poignet de l'inconnu se resserra si fort que les traits de son visage furent déformés par la douleur en l'espace de quelques secondes. - Eh bien ? On ne t'entend plus... Mais tu as peut être raison, en réalité... Peut être que je devrais appeler la brigade... Tu leur expliqueras pourquoi tu t'apprêtais à faire du mal à une élève de l'école sous les yeux d'un inspecteur. N'est ce pas, mon grand ?
Une nouvelle fois, Jason resserra encore plus fort son étreinte autour du poignet, si bien que la main du clébard en était devenue blême. - Ou bien peut être que tu devrais laisser tomber avant de finir ta soirée à l'hôpital... Parce qu'à cause de toi, on est en train de rater les feux d'artifice, commenta t'il en hochant de la tête en direction des feux qui avaient commencé depuis une poignée de minutes, à présent. A ces mots, il relâcha son étreinte, et l'homme se sentit revivre.
Je devais encore faire mon deuil de Maria. Mais regarder le ciel en pensant à elle m'apaisa. J'espérais qu'elle soit là, quelque part, et qu'elle ne souffrait plus. Le départ du feu d'artifice me sortit de mes pensées.
Et la voix du clébard les assombrit. Je sentis la présence de Jason derrière moi mais je n'y fis pas attention. Jusqu'à ce qu'il intervienne. Je le regardais en fronçant les sourcils. Il cherchait à se prendre la tête avec ? Il voulait que sa mise à pied continue ? Mon surveillant d'un soir se détourna de moi pour discuter avec Jason. Ils m'ignoraient tous les deux ! Je reculais d'un pas. Il valait mieux que j'en profite pour me calmer, tout en observant l'échange de loin. Jason qui me défendait, ça valait le coup d'œil.
Je ne pus m'empêcher de sourire quand il évoqua la brigade. S'il savait... Jason échangea un regard complice avec moi. Quel idiot, ce clébard... Il ne s'attaquait pas à la bonne personne. Par contre, sa remarque à deux balles là.
"La gamine, elle t'emmerde. Et il semblerait que tu sois incapable de la surveiller vu la facilité avec laquelle elle t'a échappé."
Je le défiais du regard. A ce moment, Jason réapparut juste à côté de lui et lui attrapa le poignet. Son ton glacial me hérissa les poils du cou. Il était énervé. Ca allait mal se terminer. Mon surveillant ne disait plus rien, il avait mal. J'observais la scène sans rien dire jusqu'à ce que Jason le relâche. Il le toisa puis passa son regard à moi. Je fronçais les sourcils, il n'en avait pas eu assez ?
"Hayley. On y va. - Non. - Non ? - En fait, moi j'y vais. Je vais me chercher un meilleur point de vue, ça pue le chien ici."
Je passais à côté de lui, appuyant bien sur le mot chien. Mais au moment où je le dépassais, il tendit le bras pour m'arrêter, en profitant pour mettre sa main sur ma poitrine. Et vu comme il l'avait touchée, je savais que ce n'était pas un accident. Mon regard reprit aussitôt sa couleur d'un rouge intense. Je choppais son bras d'une main et à une vitesse qu'il n'arrivait pas à suivre, je passais dans son dos, tordant son bras au passage et lui arrachant un cri de douleur.
Mon grognement était plus fort que tout à l'heure. Et j'étais très énervée. N'en restant pas là, je vins saisir son cou avec mon autre main libre, serrant assez pour que mes griffes fassent perler quelques gouttes de sang.
"J'ai dit : Ne.Me.Touche.Pas."
Ma voix était rauque, ponctuée par des grognements. Je tentais de me contenir. Sinon ça allait encore me retomber dessus. Mais il me dégoutait.
Dès qu'il relacha sa prise, le brun fut surpris de constater que le clébard avait décidément de la suite dans les idées: - Décidément... tu n'apprends pas vite, toi... murmura t'il avec un cynisme évident, davantage pour eux que pour lui.
La louve s'agaçait de plus en plus en sa présence, et ce qui devait arriver arriva, surtout quand les mains baladeuses du type allèrent toucher la poitrine de la jeune louve. Immobile, Rock observa Hayley le maîtriser sans faire le moindre geste, et quand elle se fut adressée une nouvelle fois à lui, il s'avança de nouveau et s'arrêta en face du surveillant, pris en clé par la vampire par derrière et bloqué par le faucheur par devant. - C'est quoi ton nom, rappelle moi ? Murmura t'il d'un ton faussement perdu. - Lightmourn... - Félicitations, Lightmourn... Tu viens de perdre ton job à S'Indarë. Ayant été témoin de la façon si "professionnelle" avec laquelle tu fais ton boulot pour surveiller tes élèves, je peux te garantir qu'un rapport bien salé portant ma signature sera sur le bureau de Rehrin, très bientôt. Je suis certain qu'il sera ravi d'apprendre que ses surveillants s'amusent à peloter les jeunes adolescentes qu'ils sont supposer protéger...
Un sourire froid et menaçant ourlait les lèvres de Rock tandis qu'il lui parlait, et le dénommé Lightmourn tenta de se dégager de l'emprise de Hayley, sans succès. - C'est un mensonge ! Je n'ai jamais... ! - Tu n'as jamais posé ta main sur la poitrine de cette jeune fille ?! Trancha soudain Jason dont le ton était devenu brusquement beaucoup plus agressif. Si j'étais toi, je réfléchirais attentivement à ma réponse avant de répondre... ajouta t'il en tendant sa cigarette à quelques centimètres du visage du surveillant.
Suspicieux, l'homme observa plus en détails le brun, dont il ne savait rien, en fin de compte: - Qui es tu ? - Déjà entendu de l'escouade Pai Mu Tan ? Evidemment... Pas besoin de répondre à cette question. Ils en avaient tous entendu parler. - Je suis un ancien de l'escouade, et ma meilleure amie en fait toujours partie. Laisse tomber toute suite où tu auras deux rapports salés te concernant et portant les mentions "Pai Mu Tan" et "urgent" sur le bureau de Rehrin si tu cherches les emmerdes. Tu me suis ? Alors arrête de déconner !
Jason avança son visage près de celui de Lightmourn jusqu'à ce qu'il soient à peine séparés par quelques centimètres, puis ajouta d'un ton plus bas: - Maintenant, disparais...
J'étais bien contente que Jason n'intervienne pas pour m'arrêter. Je n'aurai pas garantis que je n'aurai pas tenter de lui en mettre une sous l'énervement. Fort heureusement, il me laissa faire, se contentant de regarder. Il intervint seulement quand le surveillant fut maitrisé par mes soins.
J'étais toujours sur les nerfs, je tentais de me maitriser pendant que Jason lui faisait un laïus sur le fait qu'il allait être viré. Quand il osa l'ouvrir à nouveau, pour nier ce qu'il venait de faire, je lui grognais dessus resserrant mes deux prises sur son cou et son bras et lui arrachant au passage un cri de douleur. Je souris en entendant ça. Il avait mal et ça me faisait grandement plaisir.
Mes poils se hérissèrent entendant les mots meilleure amie. Je ne suis pas sûre que ta "meilleure amie" ait très envie de revenir actuellement. A part peut-être pour se venger en disant que je mens probablement. Non, valait mieux qu'elle reste où elle était, je ne voulais pas lui faire de mal. Contrairement à celui que je tenais entre mes griffes.
"Maintenant, disparais..."
Ca sonna comme un coup de tonnerre dans ma tête. Il fallait que je le relâche pour qu'il déguerpisse. Un grognement sourd monta à nouveau dans ma gorge. Ma respiration était saccadée, comme celle d'un animal sauvage en chasse. Mes yeux rouges fixaient le clébard. Allez Hayley, desserre doucement ta prise...
Je retirais mes griffes de son cou et le poussais d'un coup au loin de mon autre main. Doucement on avait dit hein... Il ne traina pas plus longtemps et s'enfuit rapidement, une main sur son cou. Je descendis mon regard vers mes mains. Elles tremblaient encore de ma rage récente, et les griffes de la gauche était pleine de sang.
"Je..."
J'avais perdu le contrôle ? J'avais failli le tuer ? L'égorger sur place ? Probablement. Mais j'avais réussi à me retenir. Je n'avais presque pas fait de dégâts. Mais ce sang me rappelait ce que je venais de faire, et ce que j'aurai été capable de lui faire si je ne m'étais pas contrôlée. Il fallait que je calme... A tout prix...
Tuer deux problèmes avec une seule phrase. Il savait Hayley à la limite de l'explosion, ses yeux et son pelage en témoignaient, ainsi que ses grognements. Sa phrase sonnait comme une demande muette à l'égard de l'adolescente de le laisser partir, sans pour autant le lui demander directement, chose qui aurait été dangereuse dans son état d'esprit actuel. Ne surtout pas lui dire quoi faire quand elle était en colère. Elle était comme lui, et il la comprenait très bien...
Lentement, et après une hésitation évidente, elle desserra son étreinte et le relacha, non sans un agacement palpable. Elle l'observa s'enfuir en courant et Jason vint se placer à côté d'elle, visiblement satisfait. - Je... - C'est pas mal du tout... Murmura t'il avec un léger sourire. T'as fait des progrès en anger management ! Commenta t'il avant de doucement poser une main sur sa tête et de la gratter autour des oreilles pour jouer.
Il vit ses mains trembler en baissant les yeux et la contourna pour se retrouver en face d'elle. Après quoi, il prit sa main dans la sienne, et la recouvra avec sa deuxième main: - Ca va passer... Avec le temps, tu apprendras à contrôler cette rage, murmura t'il avant de lui sourire doucement. Il ne précisa rien, mais sa phrase était criante de vécu. Comme s'il avait vécu un phénomène similaire par le passé.
Malgré la gêne occasionnée par la situation, Jason resta comme ça, immobile, à tenir la main de Hayley le temps que sa colère retombe. Pendant ce temps, le bouquet final du feu d'artifices explosa au dessus de leurs têtes, et lorsqu'il sentit qu'il n'y avait plus de danger, le brun relacha doucement la main de la louve: - Tu te sens mieux ? La colère est retombée, un peu ?
Je sentis sa présence à côté de moi alors que je regardais mon ex surveillant se faire la malle. J'avais commencé une phrase, sans vraiment savoir ce que j'allais dire. Tout se mélangeait dans ma tête. Je ne m'attendais pas à un compliment de sa part en revanche. Il trouvait vraiment qu'il y avait du mieux ? J'avais enfoncé mes griffes dans sa gorge...
Mon corps réagit instantanément à ses gratouilles sur ma tête en se détendant. Oreilles légèrement abaissées, je profitais de ce contact pour me concentrer sur ma respiration toujours saccadée. Je relevais la tête vers lui lorsqu'il se plaça face à moi. Qu'est-ce que... ? Je bloquais totalement. Il avait pris ma main ensanglantée dans la sienne avant de la couvrir, comme pour me cacher la vue du sang. Sa voix, son ton, son sourire... Mon regard dans le sien, je compris qu'il faisait ça pour me calmer. Et, étrangement, ça marchait. Il semblait parfaitement savoir ce qu'il faisait.
Un énorme bruit me fit lever la tête vers le ciel. C'était le bouquet final, on avait tout raté. Mais je souris doucement en admirant le spectacle.
"Oui... Merci..."
C'était clairement grâce à lui si je n'avais pas pété un câble. A présent calmée, je me rassis sur le banc pour profiter de la fin du feu d'artifice. On était là pour ça, à la base. Je ne dis rien, me contentant d'observer le ciel illuminé de toute part par les différentes couleurs, et me concentrant pour que mon ouïe soit capable de supporter tout ça.
Quand tout fut fini, et que le silence retomba, la plupart des personnes en contrebas commencèrent à s'en aller. Je ne bougeais pas. Je finis par poser la question qui me brûlait les lèvres depuis qu'il m'avait calmée, sans le regarder, le regard toujours vers le ciel.
"Ca t'est déjà arrivé, pas vrai ?"
J'étais certaine qu'il comprendrait de quoi je voulais parler. Cela ne faisait pas longtemps que l'on se connaissait, mais il semblait savoir parfaitement comment agir si j'étais dominée par une crise de colère. Ca ne s'inventait pas, on ne savait pas à l'instinct comment réagir face à ça. Au contraire d'ailleurs, le premier réflexe était d'hurler à la personne de se calmer. Grossière erreur. Il ne faut pas donner d'ordre, pas crier. Et ça, il le savait. Il m'avait demandé indirectement de le relâcher, m'avait parler doucement et il avait même tenté un contact pour m'apaiser. Ce qui avait marché. Alors je voulais en savoir plus. Comment il savait comment me calmer ? Peu de personnes y arrivait...
Lentement, silencieusement, Jason suivit l'adolescente et se rassît à côté d'elle pour profiter de la fin du spectacle. Ils en avaient raté la majorité, malehreusement, mais une crise avait été désamorcée de peu. Tout n'avait pas été completement perdu. Bras droit reposant sur le banc, il demeura silencieux jusqu'à la fin des feux. Jusqu'à ce qu'elle lui pose la question qui lui brûlait les lèvres. Il ne répondit pas de suite, mais finit par prendre la parole à son tour.
Le regard fixant l'horizon, l'air un peu absent, il semblait puiser dans ses souvenirs: - Quand j'avais ton âge, et que je suis arrivé à l'école de magie, j'ai été diagnostiqué Classe L. L, pour Létal. Mes pouvoirs ont été considérés trop dangereux pour que je puisse les conserver tels quels. Alors on m'a réassigné à une installation qui désactive les pouvoirs via des sortes de manipulations génétiques.
A cet instant, le brun fit une pause dans son récit, et tourna son regard vers Hayley, avant de lui sourire faiblement. Un sourire triste, mais qui ne tarderait pas à trouver sa signification via l'histoire qu'il était en train de conter: - Seulement, parfois, ces manipulations ont des effets secondaires sur les patients. Ils en ressortent avec des pouvoirs scellés définitivement, ou bien diminués, comme les miens. Mais ils en ressortent aussi de temps en temps avec des effets indésirables type colère, rage, ou autres joyeusetés...
Mon cas a été un cas un peu difficile et il leur a fallu presque un an pour stabiliser mes pouvoirs une fois scellés. Et lorsque j'ai rejoint Sin l'année d'après, mon dossier scolaire s'est retrouvé rempli de mauvaises remarques et autres avertissements de la part de mes professeurs, liés entre autres choses à un problème de colère que je n'avais jamais eu avant tout ça. Très vite, les problèmes se sont multipliés et il est devenu évident qu'il allait falloir que je trouve un moyen de contrôler cette rage sommeillant en moi.
Un nouveau sourire, puis il tira une cigarette qu'il s'alluma, avant de poursuivre: - Tes problèmes de colère, je les comprends. Je les comprends parce que je les ai vécus, et je les vis toujours, d'une certaine manière. Je sais à quel point c'est difficile de se contrôler, de ne pas tuer celui ou celle qui a attisé cette colère qui dort en toi.
Il se leva et s'approcha du bord de la falaise afin d'être dos à Hayley lorsqu'il poursuivît: - J'ai trouvé un exutoir, un moyen de contenir cette rage. Et tôt ou tard, tu devras en passer par là aussi. Il se tourna soudain elle avant d'ajouter dans un sourire amusé: - Fin de la leçon pour aujourd'hui, Chaton sauvage...
Je ne savais pas s'il voudrait me répondre ou non. Et il était parfaitement en droit de refuser. Alors j'attendis patiemment qu'il choisisse. Et il commença son récit. Je l'écoutais d'une oreille attentive, sans l'interrompre, mon regard curieux posé sur lui.
Mon visage se para de surprise lorsqu'il m'annonça qu'il avait des pouvoirs de classe L et qu'on avait fait en sorte de désactiver ses pouvoirs. J'avais vaguement entendu parler de cette manière de faire. Mais ça restait des genres de rumeurs, je n'y prêtais pas vraiment attention. Et là j'apprenais que c'était vrai. Il me fit un sourire triste et je posais délicatement ma main sur son bras pour lui signifier mon soutien. Mais je ne dis rien, pour le moment, l'encourageant à continuer son récit.
Des pouvoirs diminués ? J'en avais eu un aperçu lors de ma première crise face à lui, dans cette ruelle où il voulait m'attacher en attendant de savoir si j'étais coupable ou non. C'était... impressionnant. Et vraiment déstabilisant. Un dossier scolaire rempli d'avertissements et de remarques, je connaissais aussi. Alors lui aussi avait des problèmes liés à sa colère ? Je me demandais de quelle couleur était son cristal... Était-ce la même que moi ? Avait-il changé de couleur en grandissant ? Je baissais la tête, oreilles en arrière.
"Oui, très difficile..."
J'avais dit ça dans un murmure, mais je savais qu'il m'avait entendu. Je le regardais s'avancer, dos à moi mais je restais encore un peu sur le banc. Un moyen de contenir ma rage ? Je n'en avais pas pour le moment. Enfin, si, pour le moment, c'était lui qui m'avait permis de mieux contrôler ma rage...
Je me levais finalement pour le rejoindre, lui balançant un petit coup de poing dans l'épaule.
"Tu l'aimes vraiment ce surnom hein, l'ange de la Mort... C'est quoi ton truc à toi ?"
Je ne savais pas s'il me répondrait, si ça se trouve, c'était privé. Au pire, il ne me le dira pas. Je me perdis un instant dans la contemplation du paysage. J'avais besoin de me confier un peu aussi. C'était agréable d'avoir enfin quelqu'un qui comprenait ce que je ressentais.
"J'ai un problème avec le contrôle de mon pouvoir aussi.. On me dit que c'est normal, que c'est dû à mon âge. Mais il est plus incontrôlable que les autres... Surtout quand je suis en colère... Tu as bien vu de quoi j'étais capable dans la ruelle. Paralysie plus ou moins douloureuse, vitres ou miroirs qui explosent... Et tout cela combinés à mes capacités raciales... Je te laisse imaginer à quel point je peux devenir dangereuse..."
Je les avais entendu parler de mon cas à S'Indarë. Mais je n'étais pas dupe face à leurs regards et leurs paroles qu'ils voulaient bienveillantes. Je me savais instable. Comme il me l'avait dit, je devais trouver une chose à laquelle me rattacher pour garder le contrôle...
La colère. Un état naturel dû à sa transformation de faucheur, ou bien une résultante des modifications dont il avait été victime dans le but de sceller les pouvoirs qu'il avait acquis suite à cette métamorphose ? Il ne saurait véritablement le dire, mais ce qui était sûr, c'est qu'après son retour à l'école, plus rien n'avait jamais été pareil. L'année qu'il avait passé dans un institut afin qu'on effectue sur lui des modifications génétiques avait plus ou moins disparu de sa mémoire. Il ne pouvait donc pas comparer son état de colère entre le moment où il avait été enfermé là dedans, et le moment où on l'avait renvoyé dans S'Indarë. La seule chose dont il était certain, c'était d'avoir acquis une profonde haine des représentants de l'autorité, de manière générale, ainsi qu'une profonde nécessité de liberté, d'indépendance.
Et dans ces derniers détails, il se reconnaissait beaucoup en Hayley, même s'il ne lui disait pas. Elle lui ressemblait en de nombreux points: même cynisme, même je-m'en-foutisme, même répondant tranchant... Peut être était pour ça que malgré son caractère renfermé et misanthrope, ils avaient facilement sympathisé, tous les deux. - Tu l'aimes vraiment ce surnom hein, l'ange de la Mort... - C'est toi qui me dis ça, miss "l'ange de la Mort" ? Rétorqua t'il aussitôt d'un air amusé. - C'est quoi ton truc à toi ? - Pour contrôler la rage ?
Il resta silencieux un instant, hésitant à lui répondre avant de finalement poursuivre: - La boxe... Je pratique dans un club depuis l'époque depuis l'époque de Sin. Ca défoule beaucoup, et c'est un sport que j'apprécie beaucoup... Au delà du fait qu'en plus, il est utile pour tabasser les suspects, au boulot... Ajouta t'il dans un murmure cynique. Sourire aux lèvres, il fixait la foule qui vidait paisiblement le parc, maintenant que l'évènement principal était terminé. Ils allaient pouvoir être plus tranquilles, pour discuter.
C'est le moment que l'adolescente choisît pour se confier sur un problème qu'elle avait. Indirectement dû à la rage, mais surtout dû à une certaine instabilité. - Tu crois que tu pourrais devenir vraiment dangereuse, si je comprends bien ? Tu es inquiète de ce que tu pourrais faire sous l'effet de la colère, résuma le faucheur en fixant toujours les gens, au loin. Je ne vais pas te mentir, c'est une possibilité. Tu contrôles mal tes émotions, et dans certaines conditions, elles pourraient facilement te transformer en meurtrière. A mon avis, tu devrais te trouver un exutoir, et un moyen de contrôler davantage cette rage qui t'habite. Mets toi donc au yoga ! C'est très salutaire, à ce qu'il paraît, ajouta t'il pour la taquiner avant de retourner s'assoir sur le banc. Mais une chose est sûre, Hayley: Rien ne changera tant que tu n'auras rien fait pour. Alors la vraie question est donc la suivante: Toi, qu'est ce que tu veux ?
Aussi loin que je m’en souvienne, la colère avait toujours fait partie de moi. J’avais comme qui dirait le sang chaud. La couleur de mon cristal pouvait d’ailleurs en témoigner. Ce rouge sombre au niveau de ma poitrine, de la couleur de mon péché. Je m’étais tout de même un peu calmée. Probablement grâce aux sports de combat que je pratiquais à la maison puis à l’école. Mais il faut croire que ce n’était pas suffisant.
A cet instant, j’avais vraiment l’impression qu’on avait plus de points communs qu’il ne voulait l’avouer. Je souris à nos taquineries sur nos surnoms respectifs.
« Comme ça, on est quitte, très cher… »
Je lui demandais ensuite son truc, mais il est vrai que je n’avais pas été très explicite. J’acquiesçais donc quand il me demanda si c’était à propos de la rage. Je l’écoutais sans l’interrompre et restais pensive un instant. Un point commun de plus.
« Tu fais de la boxe ? J’ai été admise à S’Indarë grâce à mes compétences dans différents sports de combat… J’aimerai bien me mesurer à toi, une fois. Mais bon, même si ça me fait du bien de pratiquer, ce n’est pas une solution miracle pour moi apparemment… »
Je lui parlais alors de mon instabilité, mon incapacité à gérer ma colère quand elle devenait trop intense.
« Oui. J’ai peur de faire du mal aux personnes qui me sont proches… »
Mes oreilles s’abaissèrent automatiquement. Oui, j’avais peur. Mais pas pour moi. Moi, les dégâts, je m’en fichais. J’avais peur de ce que je pourrais faire aux autres car j’étais certaine que je ne serais pas tendre. J’aimais le danger, c’était vrai, mais que si ça ne concernait que moi.
« J’ai une gueule à faire du yoga franchement ? »
Je souris avant de reprendre mon sérieux.
« Si tu n’avais pas été là, le zombie serait probablement mort oui… »
Encore une preuve que je pouvais déraper à n’importe quel moment. Fort heureusement, Jason avait été là ce jour là pour gérer la situation et m’éviter… quelques désagréments. Je restais encore debout, fixant les derniers qui quittaient la fête. Sa question méritait réflexion. Qu’est ce que je voulais vraiment ? Est-ce que je le savais seulement ? Je me tournais finalement vers lui, qui était retourné s’assoir sur le banc.
« Je ne veux pas devenir un monstre. Je veux être capable de me contrôler et de gérer mes émotions pour… ne pas faire de mal à mes proches, et être capable de les protéger en cas de danger. »
La Hayley taquine et colérique avait momentanément disparu. Je n’étais pas sans cœur. Il y avait des personnes que j’appréciais et que je voulais protéger. Mais, comme avec Maria, je devenais incontrôlable si on leur faisait du mal. Alors je préférais taire mes autres émotions la plupart du temps, pour éviter de les mettre en danger. Si eux ne craignaient rien, je pouvais gérer un combat ou un danger. Je retournais m'assoir à ses côtés.
Certains êtres, comme Jason et Hayley, devaient cohabiter toute leur vie avec des démons intérieurs les hantant et influençant leurs choix et leurs comportements. Il n'avait jamais été très clair pour le faucheur d'où venaient ses propres démons: était ce dû à sa transformation ? Aux manipulations effectuées sur lui afin de sceller ses capacités ou bien à son vécu, tout simplement ? Il n'aurait probablement jamais de réponse précise. Mais ce qui était sûr, c'était que devoir contenir ses émotions, contrôler sa rage, était un état qu'il connaissait parfaitement pour avoir dû lutter contre durant des années.
Aujourd'hui, le cynisme avait pris le pas sur la plupart de ses émotions. Il n'était pas très sûr d'avoir trouvé sa place en ce monde, mais à tout le moins, il n'avait plus cette angoisse qui le rongeait de l'intérieur, du temps où il s'interrogeait sur la place qu'il devrait occuper au sein de ce monde qu'il ne reconnaissait pas. Ce changement avait été un grand tournant pour lui et lui avait apporté une paix intérieure qu'il avait longtemps cherché.
Qu'elle s'en soit rendue compte ou non, Hayley semblait plus ou moins errer dans un état d'interrogation perpétuelle similaire. Sa condition d'hybride était visiblement un problème pour elle, ce n'était certainement pas un hasard si elle bloquait aussi souvent sur le sujet et s'il revenait aussi régulièrement sur la table. Quant à sa crainte de faire du mal à ses proches, il semblait fondé aux yeux de Rock. Oui, cela pouvait arriver. Et c'est pour cette raison qu'il chercha à le lui faire comprendre durant leur conversation. - Tu fais de la boxe ? - Depuis plus de dix ans, maintenant, oui. - J’aimerai bien me mesurer à toi, une fois.
Le brun eût un sourire en la regardant, avant d'ajouter: - Si tes compétences en sports de combat sont aussi développées, tu devrais savoir que nous ne serions pas dans la même catégorie, en terme de taille et de poids, Chaton. Et s'il y a bien UN sport où ça compte, c'est la boxe, justement.
Le brun en vint à plaisanter sur la pratique du yoga, ce à quoi la jeune adolescente rétorqua aussitôt: - J’ai une gueule à faire du yoga franchement ? - Tout dépend de la forme de yoga... répliqua t'il avec un sourire narquois. - Si tu n’avais pas été là, le zombie serait probablement mort oui… - Oublie ça... dédramatisa t'il aussitôt avec léger sourire. Ce qui est fait, est fait... Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'il peut t'arriver dans certaines conditions bien spécifiques, de déraper, et de devenir dangereuse. Et c'est ça qu'il faut que tu gères attentivement.
Il plissa les yeux tout en la fixant alors qu'elle lui confiait ses craintes, avant de revenir s'assoir à côté de lui sur le banc en bois. - Tu crois que c'est possible ? - Toi ? Contrôler, et gérer tes émotions ? Murmura t'il d'un air narquois avant de tourner le regard vers elle au bout de quelques secondes. Ca va demander du travail... Conclut il finalement d'un ton à la fois moqueur et sérieux, comme s'il pointait une évidence.
J'étais "jeune". Voilà l'excuse que j'entendais régulièrement. Mais même si cela n'excusait pas mon comportement, cela leur permettait de le justifier. Sans forcément aller au delà. Sans forcément chercher de réelles solutions pour le moment. Peut-être que je devais trouver ça moi-même. Sûrement même. On ne pourrait pas vraiment trouver ce qui me canalisera pour moi. Mais on pouvait certainement m'aider. Peut-être qu'à force de me voir péter des vitres et m'entendre hurler, ils chercheront.
Je supportais tout cela depuis ma naissance. Enfin, mes différentes capacités raciales. Déjà combinées, elles formaient un mélange explosif. Vampire et louve en même temps... J'avais hérité de pas mal des capacités de mes parents, certaines plus faciles à gérer que d'autres. Il y en avait même certaines que je n'avais pas encore réussi à bien maitriser. Mais quand mon pouvoir s'était manifesté... J'avais fait des dégâts, beaucoup de dégâts...
Je levais les yeux au ciel en souriant tout de même à sa remarque sur la boxe.
"Evidemment que je le sais. Mais ces règles sont surtout valables pour les gens... "normaux". Tu es peut-être plus grand et plus musclé que moi, mais j'ai une rapidité vampirique pour pallier à ça. Mais après tout... Tu as peut-être juste peur de perdre face à moi..."
Un petit regard de défi. Ce n'était pas un vrai match avec public et tout le bordel que je demandais. On n'avait pas forcément besoin de rester à cheval sur toutes les règles. Surtout que nos capacités raciales pesaient aussi dans la balance.
"Tout dépend de la forme de yoga... - Oh parce que tu t'y connais en yoga ? Tiens donc.. J'aimerai bien voir ça..."
Jason s'y connaissait en yoga... J'aimerai bien savoir où il voulait en venir avec ses différentes formes. La mot "yoga" sonnait dans ma tête comme quelque chose que les personnes faisaient pour "se relaxer". Je n'avais pas la patience pour ça. Mais s'il y avait d'autres types, plus adaptés pour les gens comme... moi, j'étais curieuse. J'acquiesçai sans rien ajouter. Je devais apprendre à gérer mes émotions en fonction des situations, c'était indéniable. Je lui mis un coup de poing dans l'épaule.
"Eh ! Ca veut dire quoi ça ? Je ne suis pas du genre à abandonner si facilement, tu devrais le savoir. C'est pas parce que j'ai été au bord de la mort que je vais aller me terrer dans un trou. Au contraire, d'ailleurs..."
Je n'avais pas oublié comme s'était finie notre première rencontre. Moi à l'hôpital, lui en détention. Je n'avais pas non plus oublié que le jour de sa sortie, il était venu me rendre visite avec des roses blanches. Et il était inquiet.
Les gens "normaux". L'école magique avait transformé et bousculé certaines choses profondément enfouies en Jason lorsqu'il l'avait rejointe, à l'âge de la jeune Cobb. Ses instincts de traqueur et sa colère s'étaient éveillés, tandis qu'il s'était métamorphosé en faucheur. La boxe était pour lui un moyen de se rapprocher un peu plus des gens dits normaux, car il boxait de préférence dans un club où l'utilisation des pouvoirs lors des sparrings était interdite. Il s'agissait uniquement de puissance, de vitesse, de technique, et de stratégie. De la pure boxe, à l'ancienne.
Aussi, lorsque Hayley tenta de le défier en le provoquant au passage, il fut surpris qu'elle veuille combattre en utilisant ses pouvoirs. Pour lui, les pouvoirs étaients un don. Une carte à abattre en dernier recours afin de vaincre un adversaire dangereux. Il n'utilisait généralement pas ses capacités surnaturelles à la légère, qu'elles soient raciales ou non. Et il ne tarda pas à le lui expliquer: - Il ne s'agit pas de gagner ou de perdre... Il s'agit d'utiliser ses pouvoirs pour un simple sparring. Je peux comprendre que pour toi, ce soit naturel, mais je ne vois pas les choses comme ça. Et à dire vrai, il est plutôt rare que je m'en serve en sparring.
En découvrant ce nouvel univers de magie, le brun avait très vite compris que la neutralisation de ses pouvoirs originels par les instances supérieures allait lui porter un coup sérieux. Il ne possédait pas de capacités dangereuses, telles que celles de Reid ou Mei. Alors, il avait dû improviser, s'adapter. Il avait appris à tirer et s'était entraîné des milliers d'heures afin de devenir un tireur d'élite capable de compenser ses faiblesses par d'autres forces. Mais ici, il s'agissait d'un sparring. Il n'était pas question d'utiliser d'armes à feu ni même de chercher à blesser à l'autre. Hayley voulait se mesurer, et pour ce faire, elle était prête à jouer la carte de la provocation.
Rock n'était pas idiot, il avait vu venir ses intentions à des kilomètres. Mais pour autant, son esprit demeurait profondément compétitif. Combien de gens avait il terrassé, uniquement par la ruse ? Combien de superpouvoirs avait il stoppé à la seule force de son cerveau. Contrairement à ce que les apparences pouvaient laisser présager, la véritable force du faucheur ne résidait pas dans une force brute, mais bien dans une approche rusée et pragmatique des situations de crise. Mettre à l'épreuve sa propre intelligence et ses capacités réelles: voilà ce qui l'intéressait ! Ce qui éveillait en lui cette excitation qu'il ne retrouvait nul part ailleurs. Mais c'était différent avec Hayley: c'était une adolescente. Une adolescente puissante et qui contrôlait mal ses capacités. Il n'était pas convaincu que mettre à l'épreuve ces dernières au sein d'un ring soit l'idée du siècle.
- Oh parce que tu t'y connais en yoga ? Tiens donc.. J'aimerai bien voir ça... - Je m'y connais dans des tas de domaines, figure toi, rétorqua t'il d'un ton mystérieux.
Lorsqu'elle revint s'assoir à côté de lui, il réfléchissait toujours à sa demande, pesant le pour et le contre. - Eh ! Ca veut dire quoi ça ? Je ne suis pas du genre à abandonner si facilement, tu devrais le savoir. - Oh, ça, je l'ai bien vu, ne t'inquiète pas, répondit il avec un léger sourire qui disparut malgré tout juste après. Peut être avait elle besoin de se mettre à l'épreuve ? Peut être qu'en l'affrontant, ils trouveraient des réponses concernant sa rage ? Après tout, si quelqu'un devait se mettre en danger pour explorer ses démons intérieurs, mieux valait que ce soit quelqu'un comme lui. Lui poser la question de savoir si elle en avait besoin aurait été le plus simple. Mais elle ne lui aurait probablement apporté qu'une réponse parcellaire, ou en tout cas imcomplète. Il était prêt à le parier. - D'accord... Pourquoi pas... Si l'occasion se présente un jour, je relèverai ton défi, annonça t'il soudain en hochant la tête, tout en la fixant.
Sa remarque me laissa silencieuse quelques instants. A vrai dire, je n'avais jamais vu les choses de cette manière. Et c'était plutôt intéressant, je devais bien l'avouer.
"Je n'avais pas imaginé les choses de cette manière. Mais autant je pourrais réprimer ma vitesse pour esquiver "normalement", autant je ne pourrais pas aller contre mon instinct. Ca pourrait être une expérience intéressante de me tester sans pouvoir ou capacités. Enfin, autant que je le puisse..."
Je ne contrôlais pas certaines capacités. Elles étaient là et puis c'était tout. Je ne contrôlais ni mon odorat, ni mon ouïe, ni mes réflexes ou mon instinct. Mais tenter de me battre pour n'utiliser mes pouvoirs qu'en dernier recours, pourquoi pas. C'était un défi comme un autre. Je souris en levant ma main.
"Au moins, avec les gants, tu ne risqueras rien quant à des griffures potentielles... Et je n'utiliserai pas mes crocs non plus, promis !"
Parce que ça, ça pouvait être dangereux. Je faisais beaucoup de dégâts en griffant pendant mes combats. J'eus un petit sourire en coin. J'évitais au possible les morsures. Je savais de quoi mon côté vampire était capable... Et puis, j'aurai bien aimé le voir combattre. Je ne l'avais vu que pointer des armes et les utiliser. Pas sur moi, mais j'avais encore le souvenir du canon sur ma tempe et je détestais ça.
Je pouffais à sa phrase. Il essayait de faire quoi avec son côté mystérieux ? De faire en sorte d'attiser ma curiosité ? Remarque, ça pouvait marcher plutôt bien...
"Tiens donc... J'ai hâte d'en savoir plus."
Je plissais les yeux mais n'ajoutais rien quant à son avis sur le fait que je n'abandonnais pas facilement. Hmm, je ne savais pas vraiment comment le prendre. Je souris finalement lorsqu'il accepta à demi mot ma proposition précédente. J'étais contente qu'il ait changé d'avis finalement. J'allais peut-être enfin avoir un combat intéressant et pourquoi pas en apprendre plus sur moi, et sur lui. Je fixais mon regard dans le sien.
"Je suis contente que tu aies changé d'avis. Ca me fera peut-être du bien, qui sait ?"
Je regardais mes mains, encore rougis par le sang de mon ex clébard. Je pouvais faire beaucoup de dégâts, je le savais. Mais j'avais aussi l'impression qu'il était une clé à mes problèmes. Peut-être que lui réussirait à me calmer, comme il l'avait fait tout à l'heure ? Je me replongeais finalement dans la contemplation du ciel.
"Au fait, je n'ai pas eu l'occasion de le faire avant, avec tout ce qu'il s'est passé... Merci pour les fleurs que tu m'as apporté à l'hôpital. Mais dis moi, pourquoi étais tu si... nerveux ? Tu avais peur de l'état dans lequel tu allais me trouver ?"
J'avais remarqué son air nerveux. Mais on avait commencé tout de suite à parler de ce qu'il s'était passé après qu'il soit parti. Je voulais savoir, et j'avais eu quelques réponses. Mais on a vite été interrompu... Un petit sourire en coin naquit sur mes lèvres.
"Dis moi Jason... Tu t'y connais en langage des fleurs ?"
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