Tentatives de communication [Ode au désespoir]

Tentatives de communication

4 octobre 1997

Nous sommes aujourd’hui le 4 octobre et le second mois de l’année scolaire semble commencer sur les chapeaux de roue. Cela fait maintenant quatre jours qu’une mystérieuse marée de tristesse envahie l’école. Et quand je dis tristesse, c’est dans le meilleur des cas. Personnellement, j’ai tendance à ressentir des vagues de tristesse et de coups de blues. L’effet étant de plus en plus fréquent et de plus en plus fort à mesure que le temps passe. Aujourd’hui, j’ai beaucoup de mal à conserver ma bonne humeur et ma joie habituelle. Mais je suis loin d’être le cas le plus grave. Plus nous avons tendance à être de mauvaise humeur habituellement, plus l’effet est fort. Certains élèves sont même sous étroite surveillance car considérés comme « psychologiquement instables ».

Pour l’instant, les cours sont maintenus mais, si la situation ne s’arrange pas, nous pensons que des mesures plus drastiques finiront par être prises. Du moins, c’est ce que je pense. Nous avons fini par être informés que cette situation était dû au pouvoir d’une élève, Diana. Apparemment, elle serait elle-même profondément triste, ce qui entrainerait un dérèglement de son pouvoir. Enfin, c’est ce qu’on dit. Je ne la connais pas personnellement et je ne connais donc pas les effets de son pouvoir. J’ai entendu dire que certains élèves s’étaient mis à effectuer des recherches sur ce qu’il se passe. Peut-être que nous finirons par en savoir plus.

De mon côté, je refuse de rester là à rien faire. Le plus simple serait tout simplement d’aller parler à Diana et de l’aider à aller mieux. Comprendre ce qu’il lui arrive de la manière la plus simple : communiquer. Mais pour cela, il faudrait déjà pouvoir la trouver. Le problème étant qu’elle a tout à fait disparue. Mais bon, il en faut plus pour m’avouer vaincue !

Il est vrai que je ne sais pas trop par quoi commencer. Alors autant faire simple, sa chambre !

Je me dirige donc dans le couloir du dortoir des filles, en direction de la chambre sur laquelle est écrit son nom, ainsi que deux autres. Bon, eh bien toquons.

Je lève le poing, attristée d’avance à l’idée que personne ne réponde et toque quelques coups.

– Est-ce que quelqu’un est là ?

Diana ou une de ses colocataires qui pourrait m’informer.

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4 octobre 1997

Alors que je toque à la porte, j’entends des pas arriver dans ma direction et me retourne pour tomber face à un élève. Un garçon. Qu’est-ce qu’il fait ici ? C’est le dortoir des filles, il n’a pas le droit d’être là.

– Tu es là aussi pour régler le cas de Diana ?

Ah oui, bien sûr, suis-je bête. J’imagine que je peux passer outre le fait qu’il n’ait pas le droit d’être ici, pour la bonne cause. Nous devons trouver Diana et l’aider à aller mieux. Ainsi, toute cette tristesse s’envolera comme dans un mauvais souvenir.

– Oui, j’essaie de la trouver.

Mais visiblement, personne ne répond. Peut-être que la chambre est vide. Je plains les colocataires de Diana qui ne doivent pas avoir le moral au beau fixe. Il y a trois noms sur la porte. Deux autres filles vivent donc ici. J’ai voulu essayer autre chose : toquer à nouveau, élever la voix, actionner la poignée de porte. Mais avant d’avoir pu tenter quoi que ce soit, le nouveau venu a placé sa main devant moi pour me faire reculer.

Je frissonne immédiatement au contact. Malheur, un démon. Comment n’ai-je pas pu le sentir avant ? Comme si toute cette histoire n’était déjà pas assez complexe comme ça. J’ai très… peu d’affinité avec cette race. Enfin bon, nous avons le même objectif. Peut-être que ça va bien se passer.

– Écarte-toi, ça va faire mal.

Ou pas. Mais, mais, mais, il a détruit la porte ? Pourquoi faire ? On n’a même pas essayé de clancher avant ! Et ça y est, voilà que je me mets à pleurer. Pauvre porte. Morte si jeune. Non Amy, reconcentre-toi. Tu as des recherches à mener. Ça va aller !

Je fais à peine attention au cri que pousse le démon en entrant dans la chambre, focalisant plutôt mon attention sur l’élève qui vient de sortir de la chambre d’à côté. Mais c’est fou, on rentre dans le dortoir des filles comme dans un moulin !

– Ça va pas bien ?!

Tiens, un Alfur. Original, ce n’est pas une race très courante. En tout cas, il semble déjà plus alerte que le démon qui casse tout sur son passage.

– Bonjour, moi c’est Amy. Est-ce que tu cherches des informations sur Diana, toi aussi ?

J’ai du mal à imaginer que ce ne soit pas le cas. Qui se baladerait dans le dortoir du sexe opposé pour autre chose en période de crise.

– Je voulais savoir si ses colocataires étaient là quand notre « ami » ici présent a trouvé intéressant de détruire cette pauvre porte. Enfin bon, maintenant qu’on est là.

Je rentre dans la pièce. Mis à part la poussière qui s’est élevée dans l’air à cause de notre entrée fracassante, la majorité de la chambre semble assez normale. Mais il assez facile de deviner quelle partie de la pièce appartient à Diana. Personne dans le coin, nous n’avons plus qu’à fouiller. J’espère que je ne vais rien trouver de trop personnel. Enfin si, c’est ce que je veux trouver mais… Bref. Je me comprends.

– Excusez-moi pour l’intrusion.

Je parle dans le vide alors que je me dirige vers le bureau. Je m’installe sur la chaise et me mets à regarder les papiers qui traînent un peu partout, ouvrant tiroirs et pochettes. La pauvre, on dirait qu’elle a plongé dans la folie…

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4 octobre 1997

Je ne sais pas exactement dans quoi je me suis embarquée en commençant à faire des recherches sur Diana mais, ce qui est certain, c'est que ça ne sera pas de tout repos. Très logiquement, nous nous sommes mis, le démon, l’alfur et moi à fouiller dans les papiers éparpillés sur ce qui semble être le bureau de Diana. Malheureusement, la plupart est, au mieux, inutile, au pire, illisible. Le seul mot qui revient en boucle et dont elle semble avoir pris une certaine rigueur à écrire est un prénom : « Arren ».

Je ne suis pas vraiment du genre à être attentive aux rumeurs mais j’ai entendu dire que ce Arren est un élève qui aurait disparu à son entrée à l’académie, laissant Diana seule. Ce serait la cause de toute cette histoire. Une larme coule sur ma joue. La pauvre. Certes, les répercussions que son pouvoir a sur l’école sont terribles mais je ne peux qu’imaginer à quel point la perte soudaine d’un être cher doit être douloureuse. J’espère qu’on va réussir à la retrouver et à arranger la situation.

Enfin, ce n’est pas avec les disputes des deux autres que notre histoire va avancer… Je pivote sur la chaise de bureau pour me retrouver fasse à mes deux « compagnons », plus énervé l’un que l’autre. Je ne sais pas si c’est dû au pouvoir de Diana ou s’ils ont naturellement très peu de self-control mais qu’importe.

– Un cocker est une race de chien. Des chiens très mignons mais qui n’ont strictement rien avoir avec les alfurs. Maintenant, si vous pouviez vous concentrer un peu et ne pas me laisser faire tout le travail, cela m’arrangerait.

C’est alors que j’aperçois, à côté du bureau, un objet rectangulaire qui pourrait être…

Je fais un geste de la main dans cette direction, formant une sorte de petit tapis de lumière qui amène l’objet jusqu’à moi. Je le prends en main en souriant. Oui, il s’agit bien d’une disquette. Cachée dans une pile de papiers à côté du bureau de Diana. Peut-être que l’on tient quelque chose.

– L’un d’entre vous a vu un lecteur de disquettes en fouillant ?

Je me suis tellement concentrée sur les papiers éparpillés sur le bureau que je n’ai même pas pris le temps d’observer le reste de la chambre. Il faut dire que je n’aime pas vraiment l’idée de m’immiscer dans la vie privée d’autrui.

Cependant, d'après le regard dubitatif de mes deux comparses, j'en conclu que non, ils n'ont pas vu de lecteur de disquettes. Je me mets donc à fouiller les tiroirs un par un jusqu'à tomber sur l'objet tant désiré. Bien, lisons cela.

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4 octobre 1997

Une fois la disquette insérée dans le lecteur, je me mets à parcourir les différents fichiers qui apparaissent à l’écran. Ces fichiers textes contiennent des informations sur une espèce du nom de « portail organique ». C’est étrange, elle semble exister depuis des siècles et, pourtant, je n’en ai jamais entendu parler. Est-ce que cette espèce serait rare ? Ou est-ce que ce serait autre chose…

– Vous avez déjà entendu parler des portails organiques ?

Je ne me retourne pas, les yeux toujours fixés sur l’écran mais j’imagine que les deux garçons ont eu l’intelligence de se pencher par-dessus mes épaules pour pouvoir lire les fichiers en même temps que moi.

Plus je lis, plus je me rends compte que tout ceci est somme toute assez louche et dangereux. Surtout dangereux. Permettre de pouvoir se déplacer d’un point A à un point B n’a rien d’étrange. Certains d’entre nous possèdent des pouvoirs de téléportation qui permettent globalement la même chose. Mais cette histoire de portails va plus loin que ça…

– Ces rituels me semblent un peu… extrêmes.

J’ai un peu peur de ce qu’une lycéenne désespérée pourrait faire avec ce genre d’informations. Et ces adresses…

– Celle-ci n’est pas loin d’ici. Est-ce qu’on devrait aller voir ce qui s’y trouve ?

Ou est-ce qu'on devrait plutôt avertir les professeurs de nos découvertes ?

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Tentatives de communication

4 octobre 1997

Je ne sais pas ce que pense le démon de tout cela, et à la rigueur cela m’intéresse peu, mais l’alfur se penche pour pouvoir lire les textes au-dessus de mon épaule. Nous sommes bien d’accord, ce qui se trouve sur cette disquette est inquiétant, très inquiétant.

– Je m’y connais assez peu mais, globalement, il n’est jamais bon de chercher à entrer en contact avec des univers parallèles.

J’ai déjà entendu mes parents parler de missions impliquants des univers parallèles au notre. Je n’ai que peu d’informations parce qu’ils font attention à ce qu’ils disent en dehors du travail mais, de ce que j’en ai compris, ce genre d’affaire finit rarement bien.

– Si c'est un magasin ou un endroit public, on n'expose pas à grand-chose.

Je hoche la tête et me retourne, prenant le lecteur de disquette avec moi.

– Allons-y, nous ferons un rapport aux professeurs sur ce que nous avons trouvé. Ça nous fera certainement du bien de sortir de l’école.

L’influence du pouvoir de Diana me rend beaucoup plus triste et fataliste qu’à mon habitude et je pense que nous éloigner un peu réduira son effet. Comme une bouffée d’air frais. Après tout, je suis venue ici pour parler à Diana afin d’aider à améliorer la situation. Cette adresse est suffisamment proche de S’Indarë pour qu’on ne prenne pas grand risque.

Une fois en dehors de l’école, alors que nous nous dirigeons vers l’adresse écrite dans le fichier texte, je tourne la tête vers l’alfur pour lui poser une question que je me retiens de poser depuis déjà plusieurs minutes.

– Au fait, est-ce que je peux te demander ton nom ?

N’étant pas dans la même classe que lui, c’est la première fois que je le croise et je me dis que, dans la situation dans laquelle nous sommes, connaître le nom de l’autre peut toujours s’avérer utile. Je me suis présentée un peu plus tôt mais ce n’est pas son cas.

Nous finissons par arriver devant l’adresse qui s’avère être une sorte de boutique. De l’extérieur rien d’alarmant même si ce genre de boutique peut très bien contenir des objets magiques dangereux.

– Bon, on entre pour voir ?

Ça n’a pas l’air d’être particulièrement dangereux, nous pouvons y aller sans prévenir les professeurs immédiatement.

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4 octobre 1997

Dahlen. C’est donc le nom de l’alfur qu’est mon coéquipier pour cette sorte de « mission ». Je lui souris en remerciement. J’aime bien savoir à qui je m’adresse et, même si je savais déjà que Dahlen est un étudiant de S’Indare, connaître le nom des personnes que je côtois me donne toujours l’impression de les connaître un peu plus.

– Ton pouvoir permet de contrer les émotions négatives ? Très bien, je note. C’est très intéressant dans notre situation.

Oui, j’ai mis un peu de temps à analyser ses dires et à y réagir. La raison est que j’étais en train de me remémorer tout ce que je sais au sujet des alfurs et aucune capacité concernant les émotions ne m’est venue à l’esprit. J’en ai donc déduit que ce dont il me parlait faisait référence à son pouvoir. Je ne sais pas exactement comment ça fonctionne mais peu importe. Si ça peut nous protéger de la vague d’émotion négatives du pouvoir de Diana, je ne vais certainement pas m’en plaindre.

Une fois à l’intérieur de la boutique, il me faut peu de temps pour comprendre que nous nous trouvons bien dans un magasin de magie comme nous, les non-humains, le concevons. Sur les étagères se mélangent toute sorte de matériel permettant de réaliser des rituels, potions et autres ressources magiques dont quelqu’un vivant dans la Cité cachée pourrait avoir besoin.

– C'est… peut-être plus dangereux que juste son pouvoir.

Je hoche la tête à la réflexion de Dahlen. Diana possède déjà des capacités dangereuses. Si, en plus, elle obtient le matériel nécessaire pour accéder à un monde parallèle au notre, cela pourrait être encore bien pire que ce qui se passe actuellement.

– Il faut qu’on aille prévenir les professeurs.

Mais alors que je m’apprêtais à faire demi-tour, celle qui semble être la tenancière de la boutique s’approche de nous.

– Je peux vous aider ?

Elle semble sincèrement intriguée par notre présence, sans arrière-pensée véritable, si bien que je me dis que je peux me permettre quelques questions.

– Bonjour, excusez-nous du dérangement. Nous sommes des étudiants de S’Indare et nous cherchons une de nos camarades de classe. Est-ce qu’une jeune fille du nom de Diana serait venue dans votre boutique dernièrement ?

J’ai un peu honte mais je n’ai même pas d’information physique sur Diana à lui fournir pour pouvoir l’aider dans sa réflexion. On va devoir faire avec ce qu’on a, c’est-à-dire, pas grand-chose.

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4 octobre 1997

Dahlen a raison. Si nous nous trouvons vraiment dans une situation qui risque l’ouverture de portails vers des mondes parallèles, nos professeurs ne pourront peut-être pas faire grand-chose. Peut-être devrions nous directement prévenir la magistrature, par l’intermédiaire de la brigade. Je pourrais appeler mon père. Mais je continue de me demander si c’est vraiment à nous de faire ça. Si finalement, nous avons une quelconque utilité dans cette histoire… Ah non ! Concentre toi Amy, ne sois pas si défaitiste, ça ne te ressemble pas !

Quand celle qui semble être la propriétaire de la boutique finit par venir nous parler, je lui explique la situation dans la limite de ce que je pense être explicable. Limite que Dahlen franchi en une seconde. Bien, il a donc décidé de donner ce genre de détail. Il est vrai que cette dame inspire confiance. Peut-être que je me fais du souci pour rien. Sûrement, d’ailleurs. C’est cette histoire qui commence à me donner sérieusement froid dans le dos. Combattre des ennemis directement, que ce soit par la force ou les mots, ça ne me fait pas peur. Je suis assez forte pour ça. Je suis un ange. Mais tout cela est trop flou. Je ne peux pas m’empêcher de me dire que les forces en œuvre sont peut-être bien plus grandes et puissantes que ce que l’on pense.

Les propos de la tenancière me permettent de me reconcentrer sur le moment présent. Oui, nous ne pourront peut-être pas sauver Diana directement mais, au moins, obtenons un maximum d’informations à transmettre à nos supérieurs.

Oh, elle se souvient donc d’elle, superbe ! Des cristaux et une herbe ? J’ai peur de ne pas m’y connaître du tout. Je suis plutôt callée en magie élémentaire, en pratiquant moi-même une, mais la lithologie n’est pas du tout dans mes domaines de compétences.

Je suis tout de même la tenancière à son comptoir et écoute attentivement ce qu’elle nous explique. Elle est drôlement gentille de nous fournir tous ces détails, ça fait plaisir !

– Merci beaucoup pour votre aide, c’est très gentil à vous ! Malheureusement, je m’y connais assez peu dans le domaine…

Je tourne la tête vers Dahlen. Je sais que les alfurs sont une espèce liée à la terre. Peut-être qu’il a des connaissances sur les pierres qui pourraient nous être utiles ici.

– En tout cas, tout cela a l’air plutôt positif.

En lisant plusieurs fois les effets des objets magiques écrits dans le carnet, je fini par voir un lien avec les informations que nous avons déjà. L’amour et l’espérance. L’objectif de Diana serait de faire revenir son amour perdu ? À travers un portail ? Tout cela me semble encore trop flou. Il nous manque des informations.

Codage par Libella sur Graphiorum